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Éva a lu pour vous ..

Chroniques littéraires

La salle de bal

Anna Hope

Gallimard Du Monde Entier

Juin 2017

387 pages traduites par Élodie Leplat

Historique

Chronique

13 novembre 2017

Une grande histoire d'amour où tous nos sens sont en éveil, où la tête tourne, où l'urgence prime, ou toucher l'autre ou le sentir est vital autant que de respirer. Un miracle qu'on attend plus, qui suspend le temps, qui efface les barrières, où l'horizon est le regard de l'autre, où le cadre, l'endroit ne comptent plus, où l'espoir et la liberté renaissent.

Donc Ella Faye la fileuse de laine dans une des fabriques du coin et John Mulligan irlandais qui a tout perdu, sa fille décédée puis sa femme, se rencontrent à l'asile d'aliénés de Sharston, dans le Yorkshire, en hiver 1911.

Elle vient d'y être internée pour hystérie après avoir seulement brisé une vitre de la filature. Elle tente de s'échapper de cet enfer et tombe sur John et son ami Dan creusant des tombes. John après avoir été mis dans un hauspice pour démunis suite au drame, a été enfermé depuis cinq ans dans cette institution pour soigner sa mélancolie.

Trois autres personnages vont compter dans ce récit : Dan Riley le tatoué et manouche généreux et libre, Clem Church, jeune fille de bonne famille éduquée et suicidaire en rupture avec la société, et enfin, Dr Charles Fuller, falot, faible, homosexuel qui veut s'ignorer, musicien, ayant soif de reconnaissance de ses pairs, fidèle lecteur de la Eugenics Review.

Nous ne sommes pas dans un roman de SF ou de fantastique, et c'est là le plus grave, nous sommes bien dans un contexte historique où quelques détails comme le nom de l'asile par exemple ont été changés, mais où les faits sont vérifiables.

Un projet de loi sur les faibles d'esprit doit alors être voté et le sera deux ans plus tard sous le nom de Mental Deficience Act, autorisant la ségrégation des " faibles d'esprit ", y inclure les pauvres, les accidentés de la vie, les femmes hystériques, les différents. Heureusement une clause n'a pas été retenue, celle de la stérilisation des hommes et femmes des plus basses couches de la société afin qu'il disparaissent et que l'Angleterre soit purifiée. Ce fut fait par les nazis puis par leurs adeptes jusqu'en 1950 dans certains pays nordiques. Relire le dossier 64 de Jussi Adler Olsen.


Nous sommes ici dans une société corsetée post victorienne, Georges V va être couronné, les émeutes et les grèves se multiplient à Liverpool et ailleurs, le peuple gronde, on ne maîtrise pas encore les avancées scientifiques dont on ne sait comment les adapter à la pensée du XIX eme siècle s'éternisant, Charles Darwin a bouleversé tous les codes et croyances , son fils préside le congrès de la société d'eugénisme, des stérilisations ont déjà eu lieu aux États-Unis, et le ministre de l'intérieur Winston Churchill en est totalement partisan.

Tout cela semble être un mauvais trip, incroyable, inenvisageable.

Notre Dr Fuller, doux, faible, appliquant des méthodes de musicothérapie avant l'heure, va se transformer au fil de l'histoire en raison de sa lâcheté à s'assumer comme homme, face à un John d'une telle virilité évidente, un beau "spécimen" comme il nomme tous les hospitalisés, en un monstre, un extrémiste dangereux plein de haine et de rancœur.

S'il avait su, lui le chef d'orchestre, ce que la mise en place d'un bal tous les vendredi soir dans une des salles fabuleuses de l'asile, allait générer, seul lieu de rencontre entre les femmes et les hommes internés, peut-être y aurait-il réfléchi plus longuement.


L'espoir, l'amour, sont des armes puissantes rendant tout possible.


Un des plus beaux livres de cette rentrée littéraire, poignant, lumineux et nécessaire, en ces temps troublés de retours en arrière en bien des domaines où nous pensions avoir progressé. Une magnifique écriture, des descriptions à couper le souffle des sensations, des paysages, une empathie totale tant physique que spirituelle avec les acteurs ; j'ai vu ce roman se dérouler sous mes yeux émerveillés comme un splendide film historique de passion amoureuse.

Cette fausse fiction nous appelle à la vigilance, : gardons notre humanité intacte, protégeons l'égalité des hommes, redistribuons vite les richesses. À lire absolument !

Quatrième de couverture

Lors de l’hiver 1911, l’asile d’aliénés de Sharston, dans le Yorkshire, accueille une nouvelle pensionnaire : Ella, qui a brisé une vitre de la filature dans laquelle elle travaillait depuis l’enfance. Si elle espère d’abord être rapidement libérée, elle finit par s’habituer à la routine de l'institution. Hommes et femmes travaillent et vivent chacun de leur côté : les hommes cultivent la terre tandis que les femmes accomplissent leurs tâches à l’intérieur. Ils sont néanmoins réunis chaque vendredi dans une somptueuse salle de bal. Ella y retrouvera John, un "mélancolique irlandais". Tous deux danseront, toujours plus fébriles et plus épris.
À la tête de l’orchestre, le docteur Fuller observe ses patients valser. Séduit par l’eugénisme et par le projet de loi sur le Contrôle des faibles d’esprit, Fuller a de grands projets pour guérir les malades. Projets qui pourraient avoir des conséquences désastreuses pour Ella et John.
Après Le chagrin des vivants, Anna Hope parvient de nouveau à transformer une réalité historique méconnue en un roman subtil et puissant, entraînant le lecteur dans une ronde passionnée et dangereuse.

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