top of page
IMG20230707173456_edited.jpg

Éva a lu pour vous ..

Chroniques littéraires

La race des orphelins

Oscar Lalo

Belfond

Août 2020

288 pages

Historique

Chronique

23 mars 2021

Prix d'honneur de filigranes 2020

La forme en premier lieu, illustration du fond, d'où une mise en page particulière :

« Peu de lignes par page. Déjà un miracle qu'il y ait ces mots sur ces pages que vous tenez entre vos mains. Vous auriez pu tenir du vide. Mon histoire n'a pas de début. Pas de chapitres non plus. J'ai perdu mon enfance. Ma vie, ce vide. »


L'ouverture :

« Je m'appelle Hildegard Müller. Ceci est mon journal.

Je m'appelle Hildegard Müller. En fait, je crois que je ne m'appelle pas.

J'ai soixante-seize ans. Je sais à peine lire et écrire. Je devais être là gloire de l'humanité. J'en suis la lie. »


Parce qu'elle ne peut écrire elle-même son histoire ou plutôt sa non-histoire, une femme âgée souhaitant transmettre à ses enfants une vérité même parcellaire quant à leurs origines, autant de son côté que de celui de son mari Olaf, fait appel à un scribe. Le mot n'est pas anodin car littéralement il va graver pour l'éternité ce qui ne fut jusque là que du vent, de l'invérifiable.


L'auteur dit avoir accouché de ce roman comme son personnage principal accouche d'elle-même.

Je pourrais reprendre cette image concernant la rédaction de cette chronique.

Mais ce serait tout de même fort peu modeste, même si effectivement, il y a une réelle douleur à écrire ce texte ; je sais que je ne serai de toute façon pas à la hauteur de la bravoure de l'auteur, remplissant sa part du travail de mémoire, et de celle de TOUS LES ENFANTS victimes du Reich, du Führer, de Heinrich Himmler.


Je suis en deuil en fin de lecture, en deuil de ces enfances volées, sacrifiées sur l'autel des croyances nazies quant à une supposée race supérieure nordique. Pour remplacer tous les garçons et filles nés de parents inférieurs selon Hitler et son sbire, il faut créer une génération d'êtres parfaits. C'est le Programme Lebensborn, mot qui traduit signifie "source de vie". Vie - mort, mort - vie... Tout se mélange. Des milliers et des milliers d'enfants vont naître de géniteurs réputés bons aryens puis abandonnés dans des espèces de fermes ou règne "la rationalisation de cette industrie du bébé parfait". Une infirmière en remplacement d'une vraie maman, des repas protéinés, une éducation sans amour, tout n'étant que réduit à du "mesurable, quantifiable, identifiable." De "l'amour théorique. Un oxymore."

Des innocents qui porteront dès leur conception la marque SS de leur père et le sceau de la collaboration supposée de leur mère. Les nazis détruiront toutes archives sur ce Secret monstrueux. D'où le vertige du vide ensuite pour les orphelins.


L'enfer ne s'arrêtera pas pour autant avec la victoire des alliés. Tous ces enfants retrouvés dans les différents centres Lebensborn européens vont devoir expier la faute du père inconnu, et ils vont effectivement payer durement, injustement. Gamins torturés, maltraités, laissés à l'abandon, non éduqués ni alphabétisés, leur faiblesse les désigne comme cibles faciles, évidentes...


Ce roman, sous la forme de ce journal ténébreux, terrifiant, nous raconte donc le calvaire intime dès la conception et toutes leurs vies, des enfants Lebensborn, tout en nous donnant les informations historiques sur ce programme infâme. De plus, l'auteur redonne ainsi à ces personnes leur place de victimes du nazisme auprès de tous les êtres torturés, assassinés, dans les camps ou ailleurs.

Le parallèle avec Anne Frank est évident pour Hildegard Müller... elle pleure sur elle-même, sur les victimes, sans haine. Nous sommes alors, impuissants et sidérés, en mesure d'imaginer une infime partie des conséquences psychologiques dévastatrices sur ces orphelins de parents, de leurs origines, d'eux-mêmes.


Un roman à la poésie crépusculaire qui pourtant débouche sur la lumière de la vérité.

Quatrième de couverture

« J'ai longtemps rêvé que l'histoire de ma naissance exhibe ses entrailles. Quelle que soit l'odeur qui en surgisse. La pire des puanteurs, c'est le silence. »

Je m'appelle Hildegard Müller. Ceci est mon journal.
Je m'appelle Hildegard Müller. En fait, je crois que je ne m'appelle pas.
J'ai soixante-seize ans. Je sais à peine lire et écrire. Je devais être la gloire de l'humanité. J'en suis la lie.

Qui est Hildegard Müller ? Le jour où il la rencontre, l'homme engagé pour écrire son journal comprend que sa vie est irracontable, mais vraie.

J'ai besoin, avant de mourir, de dire à mes enfants d'où ils viennent, même s'ils viennent de nulle part.

Oscar Lalo poursuit son hommage à la mémoire gênante, ignorée, insultée parfois, toujours inaccessible. Il nous plonge ici dans la solitude et la clandestinité d'un des secrets les mieux gardés de la Seconde Guerre mondiale.

bottom of page