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Éva a lu pour vous ..

Chroniques littéraires

La petite communiste qui ne souriait jamais

Lola Lafon

Actes Sud

2014

272 pages

Historique

Chronique

8 décembre 2017

Prix de la Closerie des Lilas 2014, le Prix Ouest-France Étonnants-Voyageurs 2014, le Grand prix de l'héroïne Madame Figaro 2014, le Prix Jules Rimet, le Prix Version Fémina-FNAC, le Prix du Café littéraire de Sainte-Cécile-les-Vignes (PRIX CALIBO) 2014 ainsi que trois prix des lecteurs dans divers salons du livre.


Deux chocs pour commencer : celui de l'écriture de Lola Lafon comme pour son tout dernier opus lu le mois dernier. « On convoque les éléments : nage-t-elle dans un océan d'air et de silence ? On repousse le sport, trop brutal, presque vulgaire en comparaison de ce qui a lieu, on rature, on recommence : elle ne sculpte pas l'espace, elle est l'espace, elle ne transmet pas l'émotion, elle est l'émotion. Elle apparaît - un ange -, remarquez ce halo tout autour, une vapeur de flashs hystériques, elle s'élève au-dessus des lois, des règles et des certitudes, une machine poétique sublime qui détraque tout. »

Tout est là, cet instant miracle où la grâce et la puissance de Nadia Comaneci se révèle au monde entier en cet été 1976, où la grâce aussi et la force de la romancière explosent également à nos yeux.

Le deuxième coup au sternum est évidemment la description de cette première notation de la gymnaste alien, la machine Longines qui se détraque, hors norme, 10 ! Elle a obtenu 10 ! Électricité le long de l'échine et des bras me faisant croire que j'ai peut-être attrapé froid ! Mais non ! C'est bien la description de ce moment unique après une prestation parfaite, irréelle, qui me fait frissonner. Pour tous ceux qui cherchent le geste parfait, l'excellence dans leur discipline, ce premier chapitre est inspirant, redonne l'envie de vivre à nouveau un tel moment.


Ensuite tout le livre se déroulant chronologiquement, intercalant les mots de l'auteure et ceux de Nadia C. soit au téléphone soit par écrit, retrace toutes les années Ceaucescu, vu par les occidentaux mais aussi par Nadia enfant du communisme et Nadia adulte. Que pouvait-elle faire ou penser ? Une enfant sans sourire, une enfant seule, et sa mère insiste sur ce point. Une fillette qui dès trois ans voulait tout accomplir seule. Communisme ou non, embrigadement et lavage de cerveau de la gamine, certes, mais au dessus de tout, sa volonté farouche d'être unique, de vaincre. La bonne rencontre avec son entraîneur Béla et sa femme Marta, un engagement total de cet être asexué pour dominer et contrôler chaque parcelle de son corps et de son esprit. Qui peut comprendre ?


Quant à la vérité, la sacro sainte vérité, elle est multiple, ne nous leurrons pas, et c'est là où le bât blesse certainement pour cette femme, la perte de contrôle, plusieurs interprétations des faits. Elle en rajoute aussi, brouille les pistes, entretient peut-être ainsi sa légende. Et puis alors ?

Il reste les moments d'éternité qu'elle a offerts au monde, cela est indiscutable. Et un coup de pied à la lune à défaut de l'envoyer dans la fourmilière.


Je salue également dans ce livre, et ce fut extrêmement violent et dur à découvrir, tous les passages de descriptions historiques que ce soit en occident, tellement irrespectueux et prétentieux, ou en Roumanie. Les exactions, les lois et règles, les polices même pour vérifier l'intimité des femmes devenues des génitrices en puissance à la gloire du pays, proprement insupportables.

Mais Lola Lafon réussit à raconter l'indicible, l'innommable. La puberté, le passage vers la féminité, une maladie insupportable tant pour le pouvoir en place qui perd sa poupée, que pour le monde olympique. À gerber, les articles de la presse internationale. L'ange sacrifié sur l'autel de quoi en fait ? De la perception malsaine des adultes sur les enfants, des années où Jodie Foster et Brooke Shield interprètent des gamines prostituées !


Puissant et sans concession donc, comme son héroïne, ce roman vous laisse avec un certain mal au cœur, dégoût et inquiétude mêlés. Mais aussi un respect pour la finesse d'analyse sur ce qui s'est déroulé. Je ne me souviens pas de cet été 76, pas la télé et pas en Europe à l'époque, en revanche l'épisode de 1980 et de la juge roumaine qui refuse de donner les résultats truqués par les russes, et le regard de Nadia à ce moment de trahison inimaginable, oui je m'en souviens parfaitement. Grand livre !

Quatrième de couverture

Parce qu’elle est fascinée par le destin de la miraculeuse petite gymnaste roumaine de quatorze ans apparue aux JO de Montréal en 1976 pour mettre à mal guerres froides, ordinateurs et records au point d’accéder au statut de mythe planétaire, la narratrice de ce roman entreprend de raconter ce qu’elle imagine de l’expérience que vécut cette prodigieuse fillette, symbole d’une Europe révolue, venue, par la seule pureté de ses gestes, incarner aux yeux désabusés du monde le rêve d’une enfance éternelle. Mais quelle version retenir du parcours de cette petite communiste qui ne souriait jamais et qui voltigea, d’Est en Ouest, devant ses juges, sportifs, politiques ou médiatiques, entre adoration des foules et manipulations étatiques ?
Mimétique de l’audace féerique des figures jadis tracées au ciel de la compétition par une simple enfant, le roman acrobate de Lola Lafon, plus proche de la légende d’Icare que de la mythologie des “Dieux du stade”, rend l’hommage d’une fiction inspirée à celle-là, qui, d’un coup de pied à la lune, a ravagé le chemin rétréci qu’on réserve aux petites filles, ces petites filles de l’été 1976 qui, grâce à elle, ont rêvé de s’élancer dans le vide, les abdos serrés et la peau nue.

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