
Éva a lu pour vous ..
Chroniques littéraires
La Palladienne
Elizabeth Taylor
Payot & Rivages
2008
223 pages traduites par Jacqueline Odin
Roman
Chronique
11 juin 2018

Elizabeth Taylor est née en 1912 en Angleterre. Avec ce roman de jeunesse les Editions Rivages ont traduit l'ensemble de l'oeuvre romanesque de cette grande dame de la littérature britannique, se moquant des grandes envolées romantiques avec causticité et noirceur. J'ai compté 14 livres en plus de celui-ci.
Charme suranné et vieilles dentelles pour cette histoire acide, amusante, jouant sur les codes de bonne tenue et d'éducation british de l'époque, une bonne société quelque peu oisive, à côté de la plaque ; tous les protagonistes semblent jouer un rôle, et en premier lieu l'héroïne Cassandra Dashwood, jeune fille venant de perdre son père, devant donc en finir avec le passé, fermer la maison de son enfance récupérée par son propriétaire, et accepter un poste de gouvernante au manoir de Cropthorne, auprès d'une fillette Sophy, orpheline de mère dès la naissance. Une gamine rêveuse, effrontée, intelligente, essayant de tout noter, tout contrôler avec des obligations et un emploi du temps qu'elle concocte elle-même. Elle se crée des rites, un peu perdue et en mal d'affection dans cette famille incapable d'exprimer ses sentiments.
Le père Marion Vanbrugh, érudit, très raffiné presque féminin, ne fait pas grand chose, à part imposer mine de rien ses volontés et ses idées comme l'apprentissage du grec à sa fille. Après tout la regrettée, la belle et irremplaçable Violet, sa mère le lisait dans le texte à huit ans, donc....Les autres membres de la famille :
Tom le cousin, dessinateur talentueux de squelettes à l'encre de chine, entretenant une liaison avec la tenancière du pub quand il ne se saoule pas dès 11h du matin, n'en fichant pas une rame à part critiquer et se plaindre, qu'on devine ancien amoureux de l'inénarrable Violet. Peut-être est-ce d'ailleurs la raison pour laquelle Marion, culpabilisant de lui avoir ravi le cœur de la belle, le tolère, si inutile et encombrant.
Margaret un peu peau de vache, venue passer chez son cousin à la campagne sa grossesse qu'elle annonce à sa mère Tinty le jour même de l'arrivée de Cassandra, histoire de faire diversion.
Et donc tante Tinty, censée tenir la maison, qui en est bien incapable tant elle s'angoisse de tout. Ainsi la vieille nourrice Nanny est la vraie chef du manoir, terrifiante, haute en couleurs et autoritaire.
Et Cassandra, me direz vous ? Cette jeune femme a lu trop de romans, elle vit dans une virtualité confondante, décidant avant même d'arriver sur place de tomber éperdument amoureuse de Marion Vanbrugh. Fêlée ? Vous croyez ? Et l'atmosphère de ce manoir, poétique, enfantine, ambiguë, douce et cruelle à la fois, morbide, sombre tous rassemblés autour du portrait de la grande disparue Violet, ne lui permet pas forcément de revenir sur terre dans la réalité.
On a l'impression de regarder une pièce de théâtre au travers d'un voile de tulle, tout est irréel .... jusqu'au drame. J'ai aimé les dialogues très vivants et drôles, un peu la sensation d'avoir lu le scénario d'un film en noir et blanc. Du charme, de l'intelligence, et pour l'époque de la transgression pour une plume féminine.