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Éva a lu pour vous ..

Chroniques littéraires

La Maison de Verre

Pramoedya Ananta Toer ou Pram

Zulma

2018

576 pages traduites de l'indonésien par Dominique Vitalyos

Historique

Chronique

30 mars 2019

Quatrième tome du Buru Quartet consacrée à la vie de Minke, figure politique anticolonialiste. Aussi sur ma page Eva Impressions littéraires :


J'ai fini ce dernier opus très triste et évidemment révoltée mais aussi pleine d'espoir. Pram a depuis le premier tome su dispenser autant l'obscurité que la lumière, le sentiment d'une inéluctabilité mais aussi d'un possible avenir pour le peuple de l'île de Java sous domination des Pays Bas.


Ce roman, comme les trois précédents, est une grande fresque historique revenant sur les évènements politiques qui ont bouleversé la société colonialiste jusqu'à la faire bien plus tard abdiquer.Ce livre époustouflant, puissant émotionnellement, par le biais de la narration de la vie d'un homme, Minke, de sa chute, de ses dernières batailles et révoltes, raconte également la grande Histoire de cette région du monde que nous occidentaux connaissons mal.


Au commencement, le gouverneur des Indes néerlandaises est inquiet : les chinois ont commencé leur révolution, ont créé leur République, cela peut donner des idées au peuple sous sa gouvernance, d'abord à la communauté chinoise locale puis au reste de la population. De plus, un homme, Minke, un indigène éduqué dans les écoles néerlandaises, ayant bénéficié donc de l'accès à la culture européenne, a peu à peu réaliser l'état de servitude des javanais, acceptant l'injustice des lois et règles imposées par les néerlandais. Nous avons suivi cette prise de conscience dans les tomes précédents et surtout le troisième, au cours duquel il va réussir à constituer un syndicat, à créer un journal Mende, des entreprises, des associations. Il a commencé également à appeler au boycotte, seule arme véritable des pauvres et colonisés. De là toute une réflexion sur les conséquences néfastes d'une alphabétisation et éducation des indigènes, qui éclairés, se révoltent ensuite contre celui qui les a instruit.


Minke est donc subversif et dangereux pour le gouvernement. Est chargé de sa surveillance le commissaire Jacques Pangemanann, lui aussi éduqué à l'occidental, ayant fréquenté un lycée à Lyon puis la Sorbonne avant de revenir à java avec sa femme Paulette et leurs enfants.


Il admire profondément Minke, pour lui il est exemplaire, un guide. Cependant, ce policier qui sera promu au Secrétariat général comme expert de la question indigène, est tiraillé entre son adoration pour Minke et son envie irrépressible de faire carrière dans l'administration néerlandaise. Peu à peu, il va devenir un traitre à son peuple, à son sang, à lui-même.Tout en donnant les ordres pour espionner, intimider, arrêter, exiler, voler Minke de tous ses biens en toute illégalité, son attachement à l'Homme grandit, d'autant plus lorsqu'il tombe sur le journal de son idole en plusieurs cahiers dont les titres sont les trois premiers tomes du Buru Quartet. « Double obscur » de Minke il est le narrateur de ce récit, coup de génie de PRAM, nous permettant ainsi d'assister de loin aux événements et d'étudier cette société colonialiste du début du XX ème siècle jusqu'après la première guerre mondiale.


Le titre « La maison de verre » trouve son origine dans une réflexion de Pangemanann concernant la luxuriance de la nature de cette île comme si on était dans une serre, une maison de verre totalement transparente dans laquelle se débattent les acteurs de ce livre.


Buru Quartet fait référence aux années au bagne de Buru où fut envoyé Pramoedya Ananta Toer sous la dictature Suharto jusqu'en 1979. L'histoire de Minke fut imaginée par Pram pour ses compagnons d'infortune afin de leur permettre de s'évader au moins par la pensée.


Ce résistant, cette figure célèbre et exemplaire, cet humaniste a vécu toute sa vie jusqu'en 2006 sous surveillance gouvernementale, victime de censure et de harcèlement. Il nous laisse néanmoins une œuvre magistrale, unique, comprenant 50 romans, des nouvelles, des essais, traduits en quarante langues. La vérité est passée, son appel a été entendu par la communauté internationale et par tous les amoureux de la très grande littérature. C'est une grande chance que cette tétralogie, qui prend tout son sens avec ce dernier tome, soit traduite en français par Dominique Vitalyos pour les Éditions Zulma.


« Fresque politique, d'initiation, d'amour, d'émancipation » qui résonne encore aujourd'hui comme très contemporaine et pertinente. Triste et heureuse à la fois d'avoir lu ce Buru Quartet. Gratitude.

Quatrième de couverture

Comme le maître des marionnettes dans un théâtre d’ombres, Pangemanann est chargé par le Gouverneur des Indes néerlandaises de surveiller et contrecarrer les activités anticoloniales. C’est à lui qu’on ordonne de mettre Minke hors d’état de nuire, de faire cesser ses appels au boycott, son syndicat et son journal. Le commissaire Pangemanann, d’abord tiraillé par sa conscience face à un homme qu’il admire, ne s’embarrasse bientôt plus de scrupules. Espionnage, intimidation, arrestations, attentats : tout est bon pour détruire Minke et son œuvre. Mais les enjeux de cette lutte pourraient bien dépasser Pangemanann, qui apparaît de plus en plus comme le double obscur de Minke...
« En tant qu’inspecteur, puis commissaire, mon travail avait toujours été de surveiller mon peuple. [...] Telle était la volonté du Gouverneur général. Les Indes néerlandaises ne devaient pas changer, il fallait les perpétuer. Et si, ayant pu préserver ces notes, elles parvenaient un jour jusqu’à vous, j’aimerais que vous les intituliez La Maison de verre... »

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