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Éva a lu pour vous ..

Chroniques littéraires

La maison allemande

Annette Hess

Actes Sud

Octobre 2019

416 pages traduites par Stéphanie Lux

Historique

Chronique

24 novembre 2020

J'ai commencé ma lecture et n'ai pas pu m'arrêter.

Ce texte complète le film « Le labyrinthe du silence » de 2014, axé sur l'équipe des procureurs depuis leur premières recherches en 1958 jusqu'aux condamnations de 1963 à Francfort, sauf celle de Mengele. Un film très classique, très factuel suivi, dans le coffret, d'un DVD de témoignages de survivants sidérants, bouleversants, sans recours à aucun pathos.


« La maison allemande » nous permet donc de suivre le deuxième procès de 1963 à Francfort-sur-le-Main à partir d'un autre angle : le regard d'une jeune traductrice, Eva, que le hasard ou le destin va placer au centre de la tourmente.


Ses parents sont restaurateurs dans un quartier populaire de la ville, elle a une sœur aînée, Annegret, infirmière auprès de nourrissons à l'hôpital, et un petit frère turbulent et craquant, sans oublier le teckel. Un tableau idyllique d'une famille normale qui pourtant est déjà en danger.... Les secrets des adultes de ce groupe vont être dévoilés malgré tous leurs efforts pour garder Eva dans l'ignorance.


Celle-ci est mandatée par son agence pour remplacer en urgence un traducteur allemand-polonais auprès d'un procureur. Elle est assez mal reçue, surtout par un jeune homme, David Miller, assistant de nationalité canadienne, qui semble ne pas supporter les allemands.

Plus habituée à manier le vocabulaire économique, la jeune femme peine à traduire la déclaration du témoin. Celle-ci est terrible bien qu'énigmatique pour Eva.


Notre héroïne symbolise à elle seule la génération post guerre maintenue dans l'ignorance de ce qui s'est passé dans les camps de concentration entre autres Auschwitz-Birkenau.

Cela m'avait profondément choquée au visionnage du film, je me demandais comment cela avait pu être possible. Mais c'est une réalité, leurs aînés, le gouvernement, ont tout fait pour mettre sous le tapis ce qui s'est déroulé depuis l'avènement de Hitler, les crimes commis au nom de la propagande nazie.


Revenue chez elle, après cet épisode étrange et désagréable, elle retrouve sa famille et son fiancé, issu de la bourgeoisie, très collet monté, sévère, prude à outrance et taciturne dès que certains sujets sont abordés.


Évidemment la presse s'empare de l'événement que représente le futur procès des criminels de guerre, hauts responsables ou employés au camps de concentration de Auschwitz.


Eva est irrésistiblement attirée par les journaux, par ce qu'en disent les informations à la télévision... Mais un barrage se forme entre la jeune fille et ce procès, constitué de ses parents, sa sœur et son fiancé. Celui-ci se montre même très directif. C'est la goutte qui fait déborder le vase, Eva se propose comme interprète pour tout la durée du procès, profitant d'un problème administratif empêchant le traducteur polonais officiel d'arriver à temps.


Eva se sent obligée de le faire, elle ne comprend pas pourquoi... Dès la lecture des actes d'accusation, encore dans le public, elle croit reconnaître sa voisine, elle se sent oppressée, en grand danger. Elle est horrifiée et révoltée par l'attitude des accusés.

En fait, elle n'a pas le choix... Peu à peu, les témoignages des rescapés de cet enfer vont lever le voile sur des parties insoupçonnées d'elle-même. Aucun retour en arrière n'est envisageable.


En parallèle, et c'est là l'intérêt de ce roman, nous suivons les autres protagonistes dans leur quotidien au restaurant, à l'hôpital, au siège de l'entreprise familiale pour le fiancé, et nous constatons des ravages que cette guerre, qu'il faut vite oublier, a fait dans la psyché de chacun. Nous mesurons les séquelles irréversibles, invisibles poussant certains à commettre des actes criminels. Et d'un roman historique déjà dense nous basculons dans un thriller où l'innocence est à nouveau en danger....


Qu'y a-t-il au bout de ce chemin ? Eva pourra-t-elle s'en relever ? Le silence et les mensonges n'étaient-ils pas préférables ?

Qu'en est-il de la responsabilité de tout le peuple allemand ? Coupable, complice de l'horreur ?

Et comment les juifs miraculeusement émigrés à l'étranger, dès les années 1930, réussissent-ils à vivre sachant ce qui s'est passé pour les leurs ? Comment chaque survivant peut-il se donner le droit de vivre, d'être heureux, lorsque tous les siens ont été massacrés devant ses yeux ?


Un roman remarquable qui réussit à traiter avec empathie, justesse, délicatesse de tous ces sujets grâce aux choix judicieux de cette galerie de personnages divers tous rassemblés par ce procès de 1963.

Incontournable !

Quatrième de couverture

Best-seller dès sa parution, immédiatement traduit dans de nombreux pays, La Maison allemande nous fait éprouver le traumatisme et la révolte d'une génération qui a eu vingt ans dans les années soixante et s'est trouvée confrontée au refus de mémoire dans l'Allemagne de l'après-guerre.

L'héroïne du roman, Eva, fille des propriétaires d'un modeste restaurant de Francfort-sur-le-Main, s'apprête à se lancer avec un jeune héritier de la ville quand débute le « second procès d'Auschwitz » (1963) où doivent être jugés les crimes des dignitaires nazis. Eva a suivi des études d'interprète, elle maîtrise la langue polonaise : le tribunal la contacte pour lui proposer d'assurer, durant les audiences, la traduction instantanée des dépositions que feront les survivants du camp.

Ignorant tout de ce passé, bravant les vives réticences de ses propres parents et celles de son fiancé, Eva décide de suivre son instinct et d'accepter cette mission.

S'ouvre alors devant elle le long chemin d'une prise de conscience qui engage sa famille, mais qui concerne également toute la société de son temps.

Porté par un regard de cinéaste et mené tambour battant, ce roman captive par sa justesse, son efficacité, son empathie avec une jeune femme en pleine construction de son individualité, dans un pays où la reconnaissance du passé engage profondément l'avenir.

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