
Éva a lu pour vous ..
Chroniques littéraires
La ligne pourpre
Wolfram Fleischhauer
JC.Lattès
2005
454 pages traduites par Olivier Mannini
Polar Historique
Chronique
27 avril 2020

Roman historique sous forme d'enquête presque policière sur une énigme jamais élucidée : celle de la mort de Gabrielle d'Estrées, enceinte de six mois, à quelques jours de son mariage avec Henri de Navarre et donc de son couronnement.
Éclampsie ou meurtre ?
Et si oui, à qui profitait le crime ?
C'est à mes yeux surtout le récit d'une passion dévorante de l'auteur, jeune homme, obsédé par ce mystère et menant jusqu'au bout la mission qu'il s'était donnée. C'est un historien qui doit crier au monde entier ce qu'il a découvert par hasard, par chance, dans une bibliothèque, en tournant une page. C'est tellement incroyable que l'anecdote n'est pas mentionnée dans le livre mais dans les notes finales de l'écrivain ; la réalité dépasse quelques fois de trop la fiction ! Jugez-en : notre auteur découvre sur un carton d'invitation à un vernissage, utilisé vraisemblablement comme marque page des années auparavant et oublié dans un ouvrage ancien de la bibliothèque royale de Bruxelles, quelques lignes manuscrites d'un certain Bolle, historien belge. Ces quelques mots donnent soudain à Wolfram Fleischhauer la clef ouvrant les portes vers la vérité sur cette nuit terrible de 1599.
« La Ligne poupre » est un formidable et magnifique hommage à tous ces chercheurs universitaires tenaces, courageux et entêtés qui ne lâchent jamais une piste, nous permettant de comprendre le passé afin de mieux construire le futur et éviter les erreurs. C'est une plongée dans le monde des fous d'Histoire de l'art, tour à tour magique, terrible, sanglant, édifiant, où les évènements de la vie intime et amoureuse de personnages célèbres influent sur la destinée des peuples jusqu'à aujourd'hui.
Ainsi tout commence avec un tableau énigmatique au Louvre, reproduit en couverture de ce roman. Nous le connaissons tous, nous avons tous lu son intitulé : Gabrielle d'Estrées et sa sœur, d'un peintre inconnu vers 1600, et nous l'avons accepté sans chercher plus loin.
Pour le personnage principal de ce roman, double de l'auteur, cette image devient obsession. Aucune explication valable n'est donnée au sens réel de ce duo étrange de deux jeunes femmes aux bains, l'une tenant entre ses doigts une bague, l'autre pinçant le sein de la première de sa main gauche. L'une blonde à la peau d'albâtre, l'autre brune. En arrière plan une table ou un coffre recouvert d'un tissu vert, une femme rousse cousant, une cheminée au dessus de laquelle on devine le bas d'un corps d'homme sur une toile. Une peinture dans la peinture. Une oeuvre répondant aux codes du maniérisme, nous proposant un rébus à déchiffrer. Entrez dans le cadre.
Afin de transmettre le fruit de ses recherches, l'universitaire va se faire romancier, souhaitant toucher le plus grand nombre de lecteurs.
Il reprendra les évènements sous divers biais, par les yeux des différents protagonistes, s'attachant à appuyer la fiction sur une vérité historique intransigeante ; soudain tout devient aventure, suspens, thriller. L'auteur est un conteur surdoué suivant un plan très précis et clair.
Petit bémol : dans un souci d'être parfaitement suivi, Wolfram Fleischhauer a tendance à répéter plusieurs fois les mêmes scènes et faits historiques, ce qui à mon avis, alourdit un peu le tout et ralentit l'action. Je pense aussi qu'étant donné que je suis très attentive quand je lis, cette insistance à revenir plusieurs fois sur un épisode n'était pas utile.
Cependant, la démonstration est impeccable et claire touchant à une énigme extraordinaire survenue dans un contexte politique et historique complexe et difficile.
Du très bel ouvrage !
