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Éva a lu pour vous ..

Chroniques littéraires

La jeune mariée juive

Luigi Guarnieri

Actes Sud

2007

286 pages traduites par Marguerite Pozzoli

Historique

Chronique

19 novembre 2017

J'avais tenté de lire son précédent opus " la double vie de Vermeer" mais l'impression de ne pas faire partie des initiés, de ne peut-être pas être à la hauteur de toute l'érudition évidente ( sans doute trop obstentatoire) de l'auteur, m'avait découragée. Je pensais lire un roman biographique mâtiné d'une enquête policière et j'étais tombée sur un essai universitaire indigeste.


Changement total avec ce très, très beau livre où souffle la passion, prenant le prétexte du décès de Rembrandt et de la découverte dans son atelier par son ami le Dr Ephraim Paradies d'un tableau inachevé, comme nombre des oeuvres du maître, "la jeune mariée juive", pour inventer une histoire d'amour fabuleuse entre les deux protagonistes de la toile. Il représente un couple où le mari ou amant ose un geste d'une tendresse et d'une intimité toute transgressive pour l'époque et cette société corsetée. La femme serait ainsi Abigaïl Lopez Da Costa, condamnée car se mourrant d'une maladie inconnue, et l'homme son médecin, précité.

Nous sommes au XVIIeme siècle à Amsterdam, au sein de la communauté juive néerlandaise , la famille Lopez Da Costa étant séfarade portugaise à l'origine.

Rouge et or, sang et lumière, d'une texture granuleuse, plus dans la suggestion de la réalité que dans sa vraie représentation, ce double portrait intrigue.

En parallèle, nous suivons de 1987/88 jusqu'à 2004 à Paris, les tribulations grotesques et pathétiques d'un romancier, double de l'auteur, en pleine déconfiture financière, venu dans la capitale pour finir son roman en cours qui s'annonce déjà indigeste. Personnage tête à claque, égocentrique et suffisant, il rencontre Rebecca Lopez Da Costa lors d'un concert en plein hiver.

Pour elle c'est le coup de foudre, pour lui une catastrophe. Il accepte tout de même, proche d'être SDF, l'invitation de la jeune femme à venir s'installer dans son appartement de la Rue des Rosiers, en plein quartier juif parisien tendance bobo. Il découvre qu'elle aussi écrit, dans le cadre de ses études, une thèse sur le tableau de Rembrandt et son ancêtre Abigaïl.

À partir de là avec brio, causticité et beaucoup d'humour pour la partie contemporaine, et d'un lyrisme romantique tout en descriptions somptueuses et bouleversantes pour les chapitres au XVIIeme siècle, Luigi Guarnieri va mettre en miroir les deux villes, les deux microcosmes juifs, les deux histoires d'amour semblables et à l'opposé.

Ressemblance concernant la fragilité des deux amoureuses éperdues tant psychologiquement que physiquement, différence dans le fait de l'accomplissement ou non de ce couple. Amour, pénitence, pardon, quand l'un des deux aime plus que l'autre...

Les plus belles phrases d'amour sont alors à découvrir :

" O ma dame - je suis votre esclave épuisé" .

Ce tableau sera la trace, la preuve éternelle de cet amour . Grâce à cette oeuvre et au travail de recherche effectuée par Rebecca, notre romancier va devoir grandir, regarder et s'inquiéter pour les autres et peut-être tomber lui aussi en amour.

C'est également une fresque historique, dont l'érudition sans fatuité réjouit le coeur et les cellules grises. Nous découvrons les règles et coutumes de la société néerlandaise, des éléments de la vie du peintre jusqu'à sa déchéance, les révolutions philosophiques qui touchent la pensée établie protestante ou juive d'ailleurs, (ne pas oublier que Descartes réside alors sur place et que l'esprit cartésien est en totale opposition à la religion), nous découvrons aussi les obligations et interdictions imposées aux juifs dans le choix des métiers par exemple, et cette nécessité pour eux de se faire oublier, de n'a pas abriter en leur sein d'éléments perturbateurs ou amoraux comme sera pour les plus anciens et traditionalistes de la communauté le Dr Ephraim Paradies.

Une pièce en trois actes avec prologue et conclusion qui débute par cette lettre de Gustave Flaubert à Louise Colet le 2 septembre 1846 :

« Aime l'art plutôt que moi. Cette affection-là ne te manquera jamais, ni la maladie ni la mort ne l'atteindront. Adore l'Idée. Elle seule est vraie parce qu'elle seule est éternelle. Nous nous aimons maintenant, nous nous aimerons plus encore peut-être, mais qui sait ?- Un temps viendra où nous ne nous rappellerons peut-être pas nos visages. »

Quatrième de couverture

D'un tableau « non fini » de Rembrandt, La jeune Mariée juive - un des derniers chefs-d'œuvre du peintre dont les personnages, unis par un geste tendrement audacieux, ont suscité bien des interprétations -, Luigi Guarnieri s'empare, en fin connaisseur du XVIIe siècle hollandais, pour construire un roman qui met en miroir deux époques, deux villes, deux histoires.
Entre l'Amsterdam des peintres, des médecins et des théologiens, où le personnage d'Ephraïm Paradies évoque à la fois Descartes et Spinoza, et le Paris contemporain, où tente de vivre un jeune écrivain, l'auteur tisse tout un réseau de correspondances : en particulier, une passion amoureuse désespérée et un tableau, reflet et témoin de celle-ci. Entre pathétique et grotesque, Luigi Guarnieri pose des questions essentielles sur la souffrance et la recherche du bonheur, et sur la pérennité d'un sentiment - auquel l'art seul permet de défier le temps.

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