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Éva a lu pour vous ..

Chroniques littéraires

La femme de l'autre rive

Roger Faindt

De Borée

8 avril 2021

392 pages

Historique

Chronique

2 mai 2021

« Quand l'horreur et l'ambiguïté de la réalité bousculent les idéaux politiques d'un homme sans que ce dernier ne parvienne totalement à y renoncer. »


« Ô Nino, je ne peux plus chanter,

Si je chante encore, mon cœur sortira de ma bouche

Avec les larmes de mon chagrin...

Et je mourrai ; Fais maintenant chanter ta guitare pour moi,

Elle qui ne dit jamais le nom des femmes.

Fais-la rire et danser de toutes ses cordes.

Peut-être que mon cœur dans le sonore oubli,

Dénouant sa peine amoureuse,

Saura de nouveau rire et danser. »

« Copla d'une peine fatiguée », Flamenco,

Esteban De Sanlúcar


La sauvagerie, l'envoûtement charnel, la poésie, l'inéluctabilité du destin habitent ce roman d'amours et historique, comme dans un film de Carlos Saura, dans l'opéra célèbre de Bizet ou le texte de Mérimée.


« L'amour est un oiseau rebelle que nul ne peut apprivoiser ; si tu ne m'aimes pas, je t'aime, si je t'aime, prends garde à toi » annonçait Carmen à Don José ; cruelle déclaration qui pourrait être aussi née dans la bouche de Lucien, guitariste inspiré, qui mène sa vie en toute liberté, celle de se battre en particulier pour une cause juste, celle des républicains espagnols luttant contre les nationalistes franquistes. Cette lutte à mort nourrie de convictions politiques et de soif de justice fait de lui un être souffrant, intransigeant, excessif, traumatisé. Il juge, ne supporte aucune zone de gris ou la moindre concession.


Cet extrémisme l'isole malgré l'amitié d'Alexandre, luthier, qu'il héberge dans sa maison de Besançon, malgré l'amour et l'admiration d'une jeune guitariste, Estrella, réfugiée avec ses parents en France, des sympathisants de Franco. Il ne peut transiger avec ses croyances profondes, il ne peut trahir ses camarades des Brigades internationales, il ne peut oublier les scènes d'horreur nées des actes perpétrés par les deux camps. Le poids de son chagrin, de sa haine, de sa culpabilité l'empêche de vivre, d'aimer, de s'abandonner.


Désirer et coucher avec une femme devient un acte désespéré, une tentative de se sentir toujours vivant. Il multiplie les aventures, les peaux, les odeurs, il collectionne les maîtresses sans s'attacher, juste avant de retourner sur les champs de bataille. Il veut rester insaisissable... Il se transforme en un être sadique et cruel. Il est paumé.


Seule la musique reste une amante fidèle et passionnée dont il peut supporter la présence.

En ces années d'enfer préfigurant la seconde guerre mondiale, alors que la peste brune s'étend, alors que l'effroi le tétanise, que l'attentisme d'Alexandre et des Français le désespère, furieux il en devient insupportable, obsédé, injuste avec tous et, en particulier, Estrella.


Cependant, lors d'une énième mission pour les Brigades, alors que ses camarades exécutent des nationalistes dans un village, le regard d'une jeune femme l'arrête en pleine action, les pleurs de l'innocence, d'un nourrisson, l'obligent à agir selon des principes d'humanité et non plus politiques. Tout se brouille dans sa tête : il revient à Besançon transformé malgré lui. Son intransigeance passée était-elle fondée ?


Tous les protagonistes de ce récit en temps de guerre civile et de conflits intimes, sont déboussolés, cherchent dans l'amour, la passion, la musique, des réponses à l'absurdité, des raisons de survivre et d'espérer, mais déjà l'écho des bottes nazis se rapproche...


Un très beau texte habité, inspiré, mêlant onirisme, érotisme, sonorités gutturales ou harmonieuses ; on se brûle au soleil de l'Espagne, on se noie dans des torrents de boue et de sang, on rêve d'un autre monde, de fraternité et de paix, on palpite au rythme de la guitare de Lucien et des cœurs bouleversés des personnages. C'est une Tragédie universelle et intemporelle qui nous est contée ; cela nous laisse un sentiment de peur et d'infinie tristesse : effroi de constater que les leçons du passé ne sont pas comprises, désespoir face à toutes ces morts inutiles. Toutes les guerres sont nos guerres, nous concernent... Même au-delà des frontières, car l'enfer est à nos portes et le Diable s'en réjouit.


Mais combattre le Mal sans user de moyens condamnables et semblables à ceux utilisés par l'ennemi, est-ce possible ? La barbarie a-t-elle une fin ? L'art, la musique, la beauté, peuvent-ils la contrer ? Lucien pourra-t-il trouver le chemin de la rédemption ?


Une réflexion profonde sur l'engagement, une érudition fabuleuse et accessible quant au répertoire Espagnol et Sudaméricain dédié à la guitare, une plume imprégnée de poésie et de passion... Un souffle, une respiration, un silence soudain dans une partition tempétueuse, volcanique. J'ai été subjuguée.

Quatrième de couverture

1936. Lucien, guitariste, s'engage dans les brigades internationales pour lutter contre le fascisme en Espagne. Blessé, il revient en Franche-Comté, y retrouve Alexandre, son ami luthier et fait la connaissance d'Estrella, une exilée espagnole d'obédience franquiste. Incapable de l'aimer et de lutter contre son envie de retrouver ses camarades révolutionnaires, Lucien repart. Chargé d'éliminer des civils nationalistes, il épargne alors la vie d'Elena et sauve une fillette de quelques mois. Deux événements qui fissurent ses certitudes... Contraint de fuir, il rejoint clandestinement la France avec le bébé. Elena les y retrouve peu après. Parviendront-ils à composer tous les trois la mélodie de leur bonheur ?

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