À l'instar de l'héroïne imaginée par le marquis de Sade dans" Justine ou les Malheurs de la vertu", son premier ouvrage en 1791, un an après avoir été rendu à la liberté par la Révolution et l'abolition des lettres de cachet, Yolande Raynal épouse Tournay devra affronter bien des épreuves depuis sa naissance jusqu'aux premières heures de la fin de l'ancien régime.

Victime de la haine inexplicable de son père, harcelée par un petit frère libidineux, Bernard, fort peu protégée par sa mère, Yolande courbe le dos sous les coups du destin et paternels dès qu'elle rentre chez ses parents avec sa jeune soeur Marianne, alors que toutes deux sont normalement pensionnaires au couvent de la Visitation de Saint-Flour en Auvergne. 

Mais un jour, sa cadette tombe à la renverse après avoir été attaquée par Bernard. S'en est trop, Yolande réagit immédiatement le giflant violemment. Crime de lèse masculinité, le paters familias décide de bannir cette fille ainée détestée et de l'envoyer à Paris chez une sœur de son épouse. Finie la vie monacale à laquelle elle se destinait, entrée dans un monde terrifiant où règne en maître le parriarcat en cette année 1780. 

Logeant rue des Lombards, elle découvre la capitale, gardant ses habitudes modestes et sa peur de la gente masculine. Cependant, à 16 ans, elle est remarquée pour sa modestie et sa discrète beauté par un jeune chirurgien à la très bonne réputation et solide situation, de 12 ans son aîné, Paul Alexandre Marc Tournay. 

Très rapidement, celui-ci fait sa demande en mariage. Sans dot, sans espoir, guettée par tous les dangers menaçant les jeunes filles pauvres à l'époque, cette proposition est inespérée. Malgré sa timidité et ses préventions quant aux hommes, séduite aussi par les manières courtoises et respectueuses de Paul, elle accepte. 

Ses premières appréhensions semblent inutiles pendant les premiers mois de cette union, entre découverte sensuelle, amoureuse et d'une vie aisée financièrement ; sous domination de son jeune et beau mari, tout va bien pour Yolande dressée depuis toujours à obéir aux hommes, ceci jusqu'à la naissance d'un héritier.

Paul change alors radicalement, tourmentant la mère de son fils inexplicablement. 

Elle rencontre heureusement une belle marquise grâce à laquelle elle renoue avec la sensualité et la douceur. 

En même temps, Yolande cherche à comprendre et éclairer certaines zones d'ombre de son enfance. Elle se rapproche sous une fausse identité d'un noble ruiné, Jean-François-Charles, comte de Morangiès, ayant opportunément cherché à revenir en grâce à la cour de Louis XV à la faveur de l'affaire de la bête du Gévaudan. 

L'homme est-il dupe de la comédie que lui joue Yolande ? 

Celle-ci, en un peu plus de dix ans, se métamorphose à l'instar de la société. L'une comme l'autre rêvent de liberté et de justice, d'égalité et de vérité. 

Notre amie se berce-t-elle d'illusions ? Pourra-t-elle échapper à son destin de souffre douleur, de victime ? 

Après la lecture du conte du Petit Chaperon rouge, " ... Yolande entrevoyait le sens caché de l'histoire : sa destinée de femme y était annoncée. Elle avait dû coucher nue dans le lit d'un homme, se livrer à lui, et il finirait par la dévorer. Le fauve n'était-il autre que son mari ? " 

Les prédateurs , comme le titre l'annonce, sont nombreux en ce XVIIIe siècle, rôdant autour de leurs proies en une danse macabre. 

"Tout homme a une bête féroce à l'intérieur, peu savent comment d'enchaîner ; la plupart la lâchent, quand la terreur et la loi ne les retiennent pas." 

Frédéric Il, roi de Prusse, à Voltaire, 1760.