
Éva a lu pour vous ..
Chroniques littéraires
La débâcle
Romain Slocombe
Robert Laffont
22 août 2019
520 pages
Thriller Historique
Chronique
19 octobre 2019

Ce roman complète d'une certaine façon la trilogie des collabos consacrée à l'inspecteur Sadorski.
« L'on imagine que les heures graves d'une nation sont vécues par le public dans une atmosphère d'exception et de gravité. Il n'en est rien. Chacun, à tout moment, tend toujours à sa norme, de confort, de débauche, de plaisir ou de quiétude. » Maurice Sachs, La chasse à courre.
Je recopie ce texte introductif au roman de Romain Slocombe alors que des hélicoptères militaires passent en ce dimanche soir au dessus de mon immeuble, comme depuis novembre 2018. Et effectivement, me vient à l'esprit : sommes-nous capables de ressentir, dans toutes nos fibres, le moment où notre petite trajectoire rejoint celle de l'Histoire ? Sommes-nous capables de détecter l'instant où toute une société bascule....?
Après avoir pris quelques minutes obligatoires de ménage et passage de l'aspirateur de début de soirée dominicale, ( vous voyez, je ne vous cache rien), en voyant la poussière disparaître, les surfaces redevenir propres et brillantes, je me suis prise à penser que ce serait bien tout de même de n'avoir qu'à passer un embout d'aspirateur sur tous les nuisibles, malsains, haineux, hargneux de notre monde, sur tous ceux qui nous empêchent de vivre en paix et en harmonie.
Je suis peut être idéaliste mais ne suis pas aveugle : je vois et constate le pourrissement, la peste brune, qui atteignent à nouveau, avec plus de force en ces temps de terreur et d'incertitude face à l'avenir, la France et quasiment tous les pays occidentaux.
J'ai donc décidé de ne pas attendre d'avoir digérer ma lecture pour rédiger ce retour, au risque d'oublier un détail, d'être incomplète.Je ne suis jamais sortie indemne d'un des quatre derniers livres de Romain Slocombe, je suis même incapable de dire « j'aime ». Pas de like, pas d'émoticônes, sur un tel sujet.
En revanche, une nécessité, douloureuse, à les lire, à en débattre, à les mettre en lumière. Lumière de la connaissance, de la vérité, de l'information face à l'obscurité des mensonges vulgaires, primaires des nazis d'alors, de ceux d'aujourd'hui. Alors oui, un sacré mal de ventre au moment de la rédaction de cet avis, mais en même temps, la satisfaction, peut-être même la joie, à passer ainsi le témoin.
Chaque créateur, artiste, choisit ses propres armes contre le Mal ; l'écriture d'un tel roman peut en être une, comme les paroles de la prière polonaise mises en musique par Gorecki dans sa symphonie numéro 3, gravées sur les murs des prisons par les victimes des nazis. Leurs voix continuent ainsi à s'élever.
Ce roman historique, de guerre, d'amour, comportant un court épisode proche du thriller, est sans concession, sans petits arrangements avec les faits, sans artifices visant à amoindrir l'horreur, sans douceurs sucrées : il est organique, cru, violent, caustique, insupportable, indispensable...
« La débâcle » ou « La débandade » avec en sous titre « La trahison »... une vérité sur les causes de la reddition des français qui ne nous fut jamais transmise à l'école. Pourtant, il faut absolument la connaître pour éviter que les descendants des fascistes ne puissent continuer à répandre leur mensonge.Ceci est mon avis, je ne parle ici qu'en mon nom.
Comme toujours un vrai plaisir de lectrice en vertu :
- de la construction ne laissant aucun temps mort,
- des caractéristiques de chaque personnage plus ou moins réjouissantes ou terrifiantes,
- de la précision historique respectée quant à la narration des faits,
- de la clarté du récit,- des multiples surprises qui le jalonnent,
- de l'importance de ce livre dans le contexte actuel.
Je ne peux que conseiller à tous de le découvrir.