
Éva a lu pour vous ..
Chroniques littéraires
La Cité de larmes
Kate Mosse
Sonatine
21 janvier 2021
572 pages traduites par Caroline Nicolas
Historique SF
Chronique
21 mars 2021

Tome 2 d'une nouvelle série consacrée aux Guerres de religion. L'opus précédent s'intitulait « La Cité de Feu ».
« La Cité de larmes »est le nom donné à Amsterdam.
Carcassonne, paru en 2020, la version poche étant sortie en janvier 2021 :
« Mais lui qui trône au-dessus des nues
Voit et entend les prières des justes
Et vengera le sang des innocents
Que dans sa trahison Guise tua
Et à leur fin éternelle mena. » Christopher Marlowe, Massacre à Paris, 1593
« L'esprit est un lieu à part, et peut en soi faire,
de l'Enfer Paradis, du Paradis Enfer."
John Milton, Le Paradis perdu, I, 1667
Nous voici à nouveau projetés au XVIe siècle, de mai-juin 1572 à février 1594.
Nous sommes toujours dans les pas de Marguerite, dite Minou et Piet Reydon, de leurs enfants, proches amis et, également, de leur ennemi juré Vidal.
De Puivert en Languedoc, dont Minou est la châtelaine, à Amsterdam et enfin Chartres, Kate Mosse retrace pour nous, avec toujours autant de talent, de passion, d'imagination, de sens du détail et de souci de vérité historique, ces 22 ans fiévreux où la lutte entre catholiques et protestants met à feu et à sang les villes de France.
Les Reydon ont été invités à assister au mariage de Henri de Navarre et Marguerite de Valois. Ainsi pense-t-on apaiser les esprits et conclure un traité valable. À l'image de ce couple fort mal assorti, cet accord est bancal. En effet, la jeune femme, maîtresse du Duc de Guise, chef de la Ligue catholique, est obligée par sa mère Catherine de Médicis et ses frères d'accepter cette union avec le protestant Henri. La présence de l'Amiral Gaspard de Coligny, chef militaire des huguenots, est aussi attendue, entouré de ses hommes dont Aimeric Joubert, le frère de Minou.
Celle-ci, son époux, ses deux enfants, (Marta 7 ans et le bébé Jean-Jacques), Alis sa sœur, ainsi que leur tante, Salvadora, se préparent au voyage.
Cependant, dans l'ombre de la forêt en lisière de Puivert, un tueur à gages attend son heure.
Il a pour mission d'éliminer la châtelaine ; il rate son coup et blesse grièvement une autre jeune femme...
Son commanditaire ne sait pas que ses ordres n'ont pas été suivis et tous se retrouvent à Paris à la veille du mariage.
Nous découvrons en même temps les préparatifs de la fête et la capitale dans ses plus beaux atours, par les yeux des personnages et de la petite Martha, vrai feu-follet jamais en retard d'une bêtise. Un sacré caractère comme sa tante Alis mais au physique très semblable à celui de Minou, jusqu'à avoir les yeux vairons de sa mère. Il fait très chaud en ce mois d'août, les esprits sont échauffés, les apparences plus que trompeuses. Les échauffourées se multiplient, les protestants sont victimes d'insultes et d'agressions ; c'est ce que subit une jeune femme, Cornelia van Raay, mandatée par son père, riche marchand de grains catholique amstellodamois, afin de retrouver Piet Reydon : elle doit lui faire certaines révélations sur sa mère.
Pendant ce temps là, le Duc de Guise, accompagné de son confesseur particulier, Vidal devenu monseigneur Valentin, rêve d'éliminer Coligny, celui-ci ayant tué son père.
La haine est pour le moment silencieuse mais bientôt se transformera en fureur.
Ignorante de ces faits, le vendredi 22 août 1572, notre petite Marta entreprend d'aller seule visiter les lieux que ses parents n'ont pu lui faire voir, malgré leur promesse. Elle sort en catimini de la maison louée à un catholique, rue des Barres.
Non loin de là, rue de Béthisy, réside Vidal et un étrange enfant. Ce dernier voit la fillette partir et la suit.
Piet et Marguerite s'aperçoivent enfin de la disparition de leur fille : enlevée ou simplement désobéissante, ils ne savent que penser. Mais les évènements vont se précipiter : L'attentat contre Coligny puis son assassinat et celui de milliers de protestants, le dimanche 24 août 1572, jour de la Saint Barthélémy...
Le rouleau compresseur de l'Histoire écrase tout sur son passage.
Un épisode que j'ai lu avec encore plus d'intérêt et de plaisir que le premier, tant le récit qui nous est rapporté, sur le plan du scénario de fiction aux multiples rebondissements et concernant les faits historiques, est édifiant, passionnant, incroyable.
Le passage, le 26 mai 1578, sans aucune effusion de sang, de Amsterdam dernier bastion catholique sous gouvernance calviniste est l'un de ces événements extraordinaires, ici raconté avec tant de brio. En effet, en 1568 par la révolte des DixSept Provinces s'opposant à l'occupation violente par l'Espagne des Habsbourg, a commencé la guerre de Quatre-Vingts Ans aux Pays-Bas.
C'est là que vous retrouverez les Reydon, contraints de fuir la France, spoliés de leurs biens. Cependant, une ombre plane toujours sur le couple épié et suivi depuis six ans. À cette situation anxiogène s'ajoute l'énigme de la disparition de Marta.
« Un pavé riche en aventures, où l'on retrouve cet art consommé qu'ont les Britanniques Ken Follett, Hilary Mantel ou Tim Willocks de donner une patine romanesque inouïe à l'Histoire de France. » Le Point.
Je me souviens de « Les douze enfants de Paris » de Tim Willocks qui m'avait tant horrifiée et bluffée concernant la Saint Barthélémy, également chroniqué sur Eva Impressions littéraires. Beaucoup plus violent, ultraréaliste.
À lire absolument !