Éva a lu pour vous ..
Chroniques littéraires
L'Odyssée agricole 150 ans de l'histoire ...
Le Collectif
De Borée Beaux Livres
7 septembre 2023
168 pages, format 24 x 29 cm
Beaux Livres
Chronique
16 septembre 2023
Les Troyens de Hector Berlioz, Acte 3, récitatif et chœur n°23 :
Didon Reine de Carthage : « Peuple ! Tous les honneurs pour le plus grand des arts, l'art qui nourrit les hommes ! « Choeur : « Vivent les laboureurs ! nous sommes leurs fils reconnaissants, ils nous donnent le pain. »
Depuis la nuit des temps, celles et ceux qui savaient travailler la terre et apporter aux leurs de quoi survivre, ont été honorés, respectés. L'humanité savait ce qu'elle leur devait, ils étaient essentiels à la société.... Alors, comment a-t-on pu basculer, au fil des siècles et très récemment surtout, vers une indifférence, une incompréhension, voire un mépris des paysans, des cultivateurs, des éleveurs ?
Je n'ajouterai rien à la présentation parfaite et complète qui est faite de ce très beau livre par l'éditeur, résultat magnifique d'une œuvre de longue haleine menée par un collectif de professionnels légitime dans sa démarche.
Les photographies sont fabuleuses, les illustrations issues des journaux de l'époque savoureuses, passionnantes, étonnantes, édifiantes.
Le traitement très superficiel qui est fait à l'école de l'histoire de la paysannerie, de l'agriculture, à travers les siècles, contrairement à celle de l'industrie, m'a frappée. Effectivement nous ne savons pas grand chose.
Les Éditions De Borée ont cela de particulier et de formidable qu'elles nous remettent en mémoire et en lumière les invisibles et oubliés d'hier grâce à ses collections Beaux Livres et Terres d'écriture, où tout un patrimoine national et des terroirs sont ressuscités soit en image, soit par le biais de fictions.
J'écris cette chronique sous l'œil d'une de mes aïeules posant sur le seuil de sa maison dont le sol est en terre battue, paysanne fière et droite, au visage sérieux, en robe simple du dimanche et tablier. Sa fille fut ouvrière spécialisée et représente parfaitement cette jeunesse partie de la campagne et montée à la ville pour devenir domestique ou ouvrière. Elle fut de toutes les manifestations avec ses collègues et camarades des usines Citroën alors que Léon Blum était au pouvoir.
Ainsi au sein même d'une lignée de femmes, nous retrouvons ce qui est parfaitement décrit dans cet ouvrage, le lien indéfectible entre les ouvriers des villes et des champs. Leur cause commune est évidente, leurs actions, souvent réprimées par la force et dans le sang, à l'origine des grandes avancées de notre société.
Autre point capital, le fait que la pandémie et le COVID ont, sans que les autorités ou l'Europe ne l'aient anticipé, rebattu les cartes. Aujourd'hui, le désir de consommer des produits cultivés non loin des points de vente dicte sa loi aux grandes enseignes de supermarchés et hypermarchés. La nécessité de baisser l'impact carbone de toutes nos actions, l'éducation en matière d'écologie,
notre engagement à vouloir privilégier les circuits courts et à manger des produits venant de fermes voisines dans un périmètre limité, favorisent le retour à une agriculture raisonnée mêlant les techniques et savoirs ancestraux à une modernité dont on ne serait plus se passer. La question de la souveraineté de notre pays face à l'omnipotence de l'Europe se pose également.
Gardons espoir, restons vigilants, et faisons preuve de curiosité et d'empathie pour ces artistes de la Terre.