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Éva a lu pour vous ..

Chroniques littéraires

L'Iliade des femmes et L'Odyssée des femmes

Homère

Editions des Femmes Antoinette Fouque Bibliothèque des voix

2016

2h37, lu par Daniel Mesguich et Emmanuel Lascoux

Classique

Chronique

14 juillet 2019

Réalisation de Francesca Isidori.


Est-ce bien la peine de présenter Daniel Mesguich ? Non évidemment, de magnifiques souvenirs de jeunesse pour ma part dans le rôle par exemple de Bonaparte... Un physique étonnant, marquant, un regard inoubliable, une voix et un phrasé uniques, un très bel interprète et grand homme de théâtre et de cinéma. Pour le plaisir je vous recopie sa biographie et ajoute celle de Emmanuel Lascoux, indispensable afin de comprendre le caractère exceptionnel et passionnant de ces deux enregistrements.


" Célèbre acteur de théâtre et de cinéma, metteur en scène, Daniel Mesguich a été l'élève d'Antoine Vitez et de Pierre Debauche au Conservatoire supérieur d'art dramatique de Paris où il enseignera avant d'en devenir le directeur de 2007 à 2013. Il a également dirigé le Théâtre Gérard-Philippe de Saint-Denis et le Théâtre de la Métaphore de Lille. En 2017, il inaugure une nouvelle école d'art dramatique, le cours Mesguich, et publie Estuaire, aux Éditions Gallimard, qui témoigne d'une riche carrière de plus de quarante ans de théâtre.


Emmanuel Lascoux est helléniste, latiniste, récitant et pianiste. Il travaille aux confins du langage et de la musique et enseigne les langues anciennes en classes préparatoires à Rouen. Il est membre du CRLC ( Centre de Recherche en Littérature Comparée) Paris-Sorbonne et du jury de l'Agrégation interne de Lettres classiques."


Ainsi donc ce duo d'exception nous laisse à redécouvrir, ou plutôt découvrir, deux textes d'anthologie dont nous pensions tout savoir, mille fois rebattus, mille fois étudiés et pourtant... Je fus Hécube, puis Cassandre et Didon dans les Troyens de Hector Berlioz, c'est dire si je porte en moi ces trois voix : celle de la mère universelle préfigurant la pietà et toutes les femmes en deuil, celle de la prêtresse visionnaire jamais entendue, celle de la reine amoureuse jouet du destin. Celui-ci s'abattant toujours selon les désirs et les complots des dieux mais aussi des déesses, que ce soit Vénus ou Aphrodite, que ce soit Athena, quel que soit le nom de la déité, le mauvais sort s'acharne sur l'humanité, sur les femmes.


J'ai eu une grande joie à écouter ses récits d'après Homère, et ai été surprise, et d'abord décontenancée, par les premiers mots du récitant Emmanuel Lascoux en grec ancien, dont il connaît toutes les subtilités de prononciation et d'accents. Déclamation étonnante, lyrique, grandiloquente, qui me fit penser au théâtre No, je sais c'est curieux.


Et tout de suite après, le texte en français interprété magistralement par Daniel Mesguich. Celui-ci, plus simple dans son jeu, semble-t-il, en comparaison avec l'éloquence grecque, rejoint peu à peu son partenaire dans l'intensité extériorisée, jusqu'à ce que les deux voix n'en fassent plus qu'une. Ainsi les langues antique et contemporaine s'entremêlent et les mots anciens deviennent actuels. Un sacré prodige ! J'ai été bluffée lorsque j'en été consciente.... Un vrai tour de force grâce à une adaptation et une découpe du texte au cordeau, et une mise en scène sonore luxueuse. Nous sommes dans le domaine de l'artisanat d'art, pas celui d'un simple enregistrement audio : il y a un supplément d'âme, une implication artistique et personnelle de chaque intervenant ayant collaboré à ce projet. Cela se ressent à chaque instant de l'écoute.


D'autre part, le parti pris de regarder les évènements de la guerre de Troie puis du long voyage de retour de Ulysse vers sa patrie par le prisme féminin est d'une vérité évidente, criante, qui malheureusement n'est presque jamais choisi. Excepté chez Berlioz qui à l'instar de Homère, de Virgile, donne une place plus que prépondérante aux femmes, centrale, déterminante. l'Iliade, l'Odyssée et l'Enéide comme l'Opéra Les Troyens sont des œuvres profondément "féministes".


Les figures de Hécube, Andromaque, Hélène loin d'être juste une belle potiche, Pénélope, ne sont pas faibles, même si elles doivent supporter les conséquences d'un destin ou plutôt des décisions des déesses et des dieux. Les femmes sont à égalité avec les hommes face aux malheurs, tous sont les jouets du sort, leur genre n'entre pas en ligne de compte face à la mort, au drame. Elles font preuve de courage, de ténacité, d'entêtement, d'amour immense, d'intelligence, ce sont des héroïnes, des guerrières, des symboles.


l'Iliade est plus dramatique que l'Odyssée qui vous réserve de beaux moments de rires et d'humour. Ce deuxième volet est parfois une comédie truculente, possédant une faconde presque marseillaise ( je fais référence à la plage seize, drôlissime, à l'accent provençal), basculant soudain dans le drame touchant, bouleversant, beau, tout simplement. Dieu que cette fin est magnifique ! Comme ces deux voix murmurantes m'ont faite frissonner...!


Oui j'ai redécouvert ce que je croyais bien connaître et magie du talent de deux artistes qui s'oublient eux-mêmes, ils n'ont plus été Daniel et Emmanuel, mais un seul être redonnant vie au poète et son oeuvre.

Deux enregistrements à part, pour tous, jeunes, expérimentés, hellénistes ou non. Il y a des vérités qui sont éternelles et intemporelles.

Quatrième de couverture

- L'Iliade des femmes :
« Qu'est-ce qu'une femme ? Une déesse mortelle. Une déesse ? Une femme immortelle. Qui parle ? Le poète ( inutile, autrefois, de préciser « Homère »), dans l'Iliade, notre naissance en littérature.
Loin d'être là faiblesse des hommes et des dieux, la femme et la déesse sont la force du chant : tout part de la déesse invoquée ; tout remonte à Hélène, la femme désirée, selon le vouloir d'Aphrodite. Elles sont là, reines, mères et filles, sœurs et épouses, amantes ou solitaires. Inséparables des hommes et des dieux. Bien avant que Flaubert soit Emma Bovary, Homère est Andromaque, Hécube, Athena, Chryséis, toutes ! La guerre de Troie, il fallait mieux que de la lire, qu'on l'entende d'elles.
Car l'Iliade n'est pas un livre : elle est femme, donc chant. Doublement... »

- L'Odyssée des femmes :
« Après l'Iliade des femmes, voici l'Odyssée des femmes. "Homère au féminin", comme le philosophe Raymond Ruyer le percevait dans ce duo de l'aède et du héros. Voici le premier retour d'un mari vers sa femme, sa vie, son île. Ulysse, l'homme de tous les lieux et de toutes les ruses, est celui d'une seule mortelle, Pénélope. Partout déesses, nymphes, sorcières, ogresses, sirènes, princesses même, lui voudront le meilleur et le pire, et tenteront de le garder près d'elles. Il n'aura pas trop d'Athena pour le guider, jusque chez les Mortes, et pour le venger des Prétendants, jusque dans son palais. Père, fils, serviteurs, nourrice, épouse, il faut entendre l'Odyssée pour apprendre la reconnaissance. Daniel Mesguich, fils aimé de la Muse française, déploie l'étoffe de notre langue tissée ici pour lui par Emmanuel Lascoux, helléniste rêveur à haute voix de grec ancien, et l'invite à y broder le fil antique. »

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