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Éva a lu pour vous ..

Chroniques littéraires

L'homme qui peignait les âmes

Metin Arditi

Grasset

2 juin 2021

304 pages

Thriller

Chronique

2 mai 2022

" Notre religion dit la Loi, j'ai beau l'avoir abandonnée, sa rigueur et sa majesté m'impressionnent. La vie du Christ m'enseigne la charité, et l'Islam me rappelle l'importance de l'humilité et de la soumission. Pourquoi devrais-je refuser l'hospitalité de l'une de ces Maisons en faveur d'une autre ? Ce serait dédaigner chaque fois une grande richesse. Là serait la vraie folie." Avner dit Petit Anastase. Une icône bien mystérieuse est retrouvée lors de fouilles dans le monastère de Mar Saba. Elle représente un Christ Guerrier. Sa facture, son thème, pourrait la situer au XIVe siècle et l'attribuer à Théophane le grec, un des plus célèbres de tous les iconographes. Cela semble judicieux puisque la représentation d'êtres humains était blasphématoire selon les canons des siècles précédents. Cependant après datation du bois par analyse dendrochronologique, il apparaît que cette oeuvre singulière aurait été réalisée au XIe siècle. Quel artiste aurait eu suffisamment de folie, de courage, d'inconscience, pour exécuter une telle icône ? Il faut consulter les actes du monastère de Mar Saba avec l'autorisation de l'actuel higoumène des lieux. Une entrée à la date du 12 avril 1097 retient toute l'attention de l'auteur : « Ce jour vers midi, le marchand Mansour arrive muni d'un présent à l'intention de notre bien-aimé higoumène, Petros, que son âme repose en paix. Le présent consiste en une icône, dont l'auteur, qui est inconnu à celui qui tient les actes en ce jour d'avril 1097, veut faire don à notre bienheureux frère Petros, pour qu'il en fasse son icône de cœur. Apprenant que six mois plus tôt, notre bienheureux a rejoint le royaume des cieux, il nous interroge sur ce qu'il convient de faire pour respecter le vœu du donateur. Notre bien-aimé higoumène, frère Joachim, propose de cacher l'icône dans les pierres de sa propre cellules, celle où Petros a vécu durant 43 années de sa vie, à ses yeux la façon la plus proche qu'il est possible de répondre au souhait du donateur. Ainsi fut fait, et l'icône insérée et cachée de façon parfaite et durable par un mur de pierres. » Signé : frère Michail, chargé des actes en ce jour du Seigneur. On peut imaginer que le frère Joachim dès qu'il vit Mansour a su que le donateur était Avner. Ses oeuvres étaient reconnaissables entre toutes puisque jugées blasphématoires et d'une facture très moderne pour l'époque. Pris de remords, se sentant certainement coupable du traitement qui fut infligé à Avner au monastère même, il est probable qu'en protégeant cette icône il souhaitait racheter ses fautes. Ainsi face à cette œuvre, Metin Arditi se propose de répondre à trois questions destinées à lever le mystère sur "Le Christ Guerrier" : 1/ Comment cette icône est-elle arrivée au monastère de Mar Saba ? 2/ Pourquoi n'a-t-elle pas été détruite, étant blasphématoire selon les canons de l'époque ? 3/ Enfin que reste-t-il de l'œuvre d'Avner ? J'en poserais une quatrième et une cinquième : qui était Avner ? D'où venait-il ? Le peintre de l'âme des pèlerins, ni juif, ni musulman, ni chrétien, tombé en passion des le premier regard posé sur une icône, eut un destin dès lors tout tracé au grand dam de sa famille : il fut celui qui apportait réconfort et apaisement à ceux venus lui commander un portrait, une représentation réaliste totalement proscrite par les Lois. Metin Arditi met ses pas dans ceux de ce gamin juif dont l'avenir semblait tout tracé... Il remplit les blancs laissés par l'effacement pur et simple de la bibliothèque de Mar Saba de toute trace de Avner alias Petit Anastase. Comment l'auteur réussit-il à faire émerger la vérité sur ce destin hors du commun ? La magie opère immédiatement grâce au talent incontestable de conteur, de poète, d'artiste de Metin Arditi, encore une fois. Nous touchons presque le tissus de sa robe, nous sentons la caresse des poils du pinceau, nous admirons les poussière d'or voletant dans l'air, nous faisons rouler sous nos doigts les grains infimes de pigments. Avner va apprendre à "écrire" des icônes selon les règles en cours au XIe siècle, mais bien vite c'est peindre qui sera son seul but au mépris des Lois, des canons. Représenter la vérité sous l'apparence, apporter ainsi un soulagement à ceux qui sont venus à lui pour trouver des réponses à leur dilemme, un sens à leur vie. Un être à part, extraordinairement généreux qui met son talent, son génie au service de l'humanité. Ce faisant, il est à craindre qu'il se soit fait des ennemis au sein même du monastère sans oublier les imams, prêtres, rabbins dont l'autorité et même l'utilité sont remises en question. Tous les envieux, jaloux de leurs prérogatives, de leurs pouvoirs vont agir pour détruire celui qu'il ne peuvent être, qu'ils ne peuvent contrôler : le peintre des âmes. Un roman historique somptueux, bouleversant, nous plongeant, par le biais de l'étude de la représentation cachée et illicite au temps de l'Orient médiéval que représente l'icône intitulée"Le Christ Guerrier", dans un mystère irrésolu jusqu'à aujourd'hui... Une reconstitution magnifique faisant appel à tous nos sens, charnelle, onirique, et précise quant aux faits. Des scènes inoubliables comme celle révoltante de l'autodafé.... Destin d'un précurseur, d'un génie, d'un inovateur, né trop tôt dans un siècle encore baigné de ténèbres. Mais sa lumière intérieure, grâce à Metin Arditi, resplendit jusqu'à nous et pour l'éternité. La beauté triomphe de tout.

Quatrième de couverture

Acre, quartier juif, 1078. Avner, qui a quatorze ans, pêche avec son père. À l’occasion d’une livraison à un monastère, son regard tombe sur une icône. C’est l’éblouissement. « Il ne s’agit pas d’un portrait mais d’un objet sacré, lui dit le supérieur du monastère. On ne peint pas une icône, on l’écrit, et on ne peut le faire qu’en ayant une foi profonde ».
Avner n’aura de cesse de pouvoir « écrire ». Et tant pis s’il n’a pas la foi, il fait comme si, acquiert les techniques, apprend les textes sacrés, se fait baptiser, quitte les siens. Mansour, un marchand ambulant musulman, le prend sous son aile. C’est l’occasion d’un merveilleux voyage initiatique d’Acre à Nazareth, de Césarée à Jérusalem, puis à Bethlehem, jusqu’au monastère de Mar Saba, en plein désert de Judée, où Avner reste dix années où il devient l’un des plus grands iconographes de Palestine.
Refusant de s’astreindre aux canons rigides de l’Eglise qui obligent à ne représenter que Dieu et les saints, il ose reproduire des visages de gens de la vie ordinaire, cherchant dans chaque être sa part de divin, sa beauté. C’est un triomphe, c’est un scandale. Se prend-il pour un prophète ? Il est chassé, son œuvre est brûlée. Quel sera le destin final d’un homme qui a osé défier l’ordre établi ?
Le roman de l’artiste qui, envers et contre tous les ordres établis, tente d’apporter de la grâce au monde

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