Après avoir traité du rôle central des femmes dans la mythologie grecque par le biais, en premier lieu, d'Hélène à l'origine de la guerre de Troie, puis en abordant l'influence qu'ont eu les mères sur la destinée de leurs fils, j'ai nommé les héros majeurs Hercule, Thésée et Persée, et en nous intéressant ensuite plus spécifiquement à Ulysse, aidé, instruit, guidé, aiguillonné par des figures féminines, déesses ou non, pendant tout son voyage, l'autrice, inspirée par Freud, Lacan, Heidegger, Aristote, Platon entre autres, nous a offert dans son quatrième essai une réflexion poussée sur la fonction maternelle symbolique des femmes pour nous exposer enfin, dans son cinquième livre, les liens qui unissent les moires, les charites et les muses. 

Ce sixième ouvrage de Efi Papavassilopoulou s'inscrit dans cette réflexion complexe, sidérante et détaillée sur la place des femmes, humaines ou non, dans nos cultures, nos inconscients, notre éducation, nos sociétés encore aujourd'hui. Pour comprendre ce qui se joue actuellement en terme de métamorphose de notre monde, d'un retour à des valeurs matriarcales originelles, encore faut-il avoir en tête un schéma clair des interactions et relations tissées entre les figures masculines de la mythologie grecque, (Dieux, héros, fils etc, etc), devenus modèles à suivre implicitement pour tous les petits garçons au cours des siècles... et leurs filles, épouses, maîtresses, sœurs, mères, d'essence divine ou non. 

Toutes ces mâles ne sont-ils pas devenus ce qu'ils étaient destinés à être grâce aux femmes ? Leur gloire, leur suprématie, ne les doivent-ils pas à celles qui, peu à peu, vont être assujetties, remisées dans l'ombre ? 

Ainsi, ce dernier opus s'attache à Zeus, le suprême, le plus haut dans la hiérarchie ! N'y aurait-il pas sur ce "dossier" beaucoup à découvrir ? Derrière tout grand homme ou dieu, se cache une femme dit-on ! 

Notre Zeus, lui, a une santé incroyable : une cinquantaine de maîtresses, soixante-dix enfants devenus pour la plupart des héros, plusieurs épouses. Ça va, tranquille !

Enfin, tranquille, pas tout à fait : Héra sa femme légitime, celle qui représente la stabilité, la continuité, est profondément jalouse des autres élues de son illustre époux et déteste les enfants nés de ces relations extra-conjugales. Elle partage de force, dans la douleur, son seigneur et maître qui continue à papillonner de l'une à l'autre... Toujours le même modus operandi, et que je me métamorphose en taureau puis en pluie d'or etc, etc...pour plaire à la nouvelle donzelle sélectionnée, que je lui fasse une tripotée de gosses qui sont le prolongement de moi -même, de ma force de vie car, oui, Zeus est mouvement, Vie... N'oublions pas que c'est lui qui a libéré sa fratrie de Chronos, leur père, et permis que le temps ne soit plus figé. 

De maîtresses en femmes, peu à peu,  Zeus trace son propre portrait. Mnémosyne sa première femme est celle qui ouvre la porte à toutes celles qui suivront, Métis et ses consœurs... Chacune représente une étape dans le parcours de Zeus. Elles laissent sur lui et en lui des traces, des éléments, qui lentement mais sûrement constitueront son essence. Chacune symbolise une qualité, une aptitude. Chacune marque Zeus de sa féminité, et celle-ci se manifeste particulièrement, " en continu et d'une manière prévalente à tous ses descendants ". 

Il est d'apparence masculine, c'est ce qui séduit ses compagnes successives, mais sa " dynamique et la puissance de son mouvement est de nature féminine comme le montrent ses épouses Métis, Héra et Mnémosyne. Elles constituent son essence permanente s'enrichissant avec les maîtresses qui leur correspondent. 

Zeus est vie,  mouvement, car il se construit par l'adversité de ses maîtresses, autour de la constance de sa femme Héra et de celles qui sont son essence initiale Métis et Mnémosyne. " 

Héra se caractérise par sa constance résidant dans sa fécondité liée à la vie dans son ensemble. 

Mnémosyne, inventrice du langage et mère des muses, est la mémoire. 

Métis la rusée est " celle qui sait plus de choses que tout dieu ou homme mortel " selon Hésiode. 

Un trio gagnant enrichi de toutes les autres élues de ce Zeus insatiable qui peut se réaliser dans le monde grâce à ses héritiers. 

Je vous laisse découvrir comment tout ce joli monde s'organise, la hiérarchie qui s'établit de fait entre chaque partenaire de Zeus, les conséquences sur ses filles et fils, et les implications évidemment que toutes ces histoires légendaires et mythologiques, parties intégrantes de notre éducation, ont eu sur nos sociétés, nos psychés, nos choix conscients ou inconscients, que l'on soit Grec ou non.

En dessinant le profil de Zeus et de ses figures féminines, c'est notre portrait qui peu à peu apparaît. Efi Papavassilopoulou en nous narrant les aventures amoureuses de Zeus montre l'évolution de la société grecque, s'attache à exposer ainsi les origines de sa structure actuelle. Les péripéties de la vie de Zeus, telles qu'elles nous sont parvenues, ont eu un impact réel sur notre propre conception de ce que nous sommes, sur nos interactions avec les autres, et participent de l'importance que nous, citoyens, accordons à notre évolution individuelle. 

En un moment de remise en question des valeurs patriarcales où les femmes ne se contentent plus du rôle ambiguë qu'on leur a généreusement laissé jouer, il est toujours vital de se pencher sur ce qui fut, pour envisager ce qui pourrait être. 

Nous ne souhaitons plus être cachées à l'instar des Hétaïres, qui furent " des femmes libres, accompagnant les hommes dans les banquets et participant aux discussions. Leur importance bien réelle est masquée par une société bien patriarcale qui n'arrive pas à les gommer. On les perçoit derrière les grands hommes, un peu comme les déesses avalées par Zeus. " Il est grand temps que nous soyons côte à côte avec les hommes. Tous dans la lumière.