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Éva a lu pour vous ..

Chroniques littéraires

L'Empathie

Antoine Renand

Pocket

13 février 2020

496 pages

Thriller

Chronique

14 septembre 2022

J'ai vu passer beaucoup de fois sur les groupes de lecture la couverture de ce roman et des avis et chroniques dithyrambiques sur ce texte à sa sortie. Ce fut un phénomène d'édition. J'étais en train de couler sous les livres mais heureusement la librairie Le Divan à Paris a organisé, voici quelques mois, une séance de dédicaces avec plusieurs excellents auteurs de littérature noire dont Antoine Renand, et enfin j'ai plongé. Si comme moi vous avez attendu un peu, n'hésitez plus !


Je n'ai jamais caché ce qui m'est arrivé peu avant mes onze ans et l'amnésie de 24 ans qui s'en est suivi. Je suis active aujourd'hui concernant l'information au public et l'aide apportée aux victimes. Je lis donc les ouvrages consacrés aux viols et à la pédocriminalité ( fictionnels ou réels) avec un bagage un peu différent, une sensibilité accrue.


Ce roman est remarquable de justesse, de compréhension, de bienveillance, le tout sous une apparence très factuelle, presque sèche en particulier lors des scènes de violence. Le mot "indicibles" revient en permanence pour qualifier ces crimes. Pour ma part, je suis en désaccord avec cette idée : raconter simplement sans pathos, sans effet de manche à l'instar d'un rapport de police, permet effectivement de poser les mots, noir sur blanc, de les graver pour l'éternité. C'est aussi, concernant un auteur qui choisit cette forme littéraire, un acte d'une grande délicatesse, d'un grand respect envers les victimes. Les faits, rien que les faits mais surtout aucune interprétation pseudo-psychologique, aucun sentimentalisme qui n'aide en rien celle ou celui qui se retrouve en situation d'urgence émotionnelle, nerveuse, psychique, dont toutes les certitudes ont volé en éclats, la ou le laissant en état de sidération. L'écrivain ne prend pas ici la parole à la place des victimes.... Bien des professionnels du monde judiciaire, de la santé, associatif devraient s'en inspirer. Silence, laissez- nous parler ! Et surtout ne dites plus que vous savez ce que nous ressentons ou que vous l'imaginez ! C'est impossible.


Antoine Renand n'est pas un novice dans l'art de raconter une histoire, de la développer afin d'aborder tous les sous- thèmes liés au viol. Les conséquences multiples sont ici complètement traitées, présentées à un lecteur qui n'est pas forcément averti. Le rôle de la littérature noire est aussi d'informer par le biais d'une fiction. La mission, là encore, est parfaitement remplie.


La sécheresse du ton, des descriptions, laisse la place nécessaire à L'Empathie du lecteur de se développer. En devenant actif sur le plan émotionnel, dans un désir humain de remplir les vides, il s'approprie cette histoire, il sait, il pourra donc, peut-être, je l'espère, réagir à l'avenir face à des symptômes repérables immédiatement par des professionnels ou d'anciennes victimes œuvrant contre ce mal sociétal.


Grâce à la métamorphose du personnage de Anthony Rauch, Antoine Renand réussit l'exploit de traiter des questions du viol sur adultes et aussi sur enfants, des conséquences, à plus ou moins long terme, pour les victimes selon le type de prise en charge mise en place après le crime, des suites également pour l'entourage, pour les membres d'une fratrie par exemple... Il pose ensuite la problématique du bien fondé et de l'importance du passage en justice ou non, de l'importance de la parole libérée des violés, du désir de vengeance, de faire mal à son tour...


Il aborde enfin deux sujets fondamentaux dans la lutte contre cette montée de la violence sexuelle, contre la culture du viol :

- En premier lieu, le masculinisme enfermant certains dans des schémas castrateurs et dangereux, et les définitions que l'on donne aux mots Homme, Femme dans une société aujourd'hui en mal de repère et surtout de réponses sur le genre et l'éducation extrêmement sexuée que l'on privilégie, où chacun est enfermé dans un carcan.- En deuxième lieu, en conséquence de ce que je viens d'évoquer, l'hypersexualisation des jeunes, leur confrontation trop vite à la pornographie, à des images de violences banalisées avant même d'avoir eu une première expérience, une connaissance personnelle d'une relation physique et émotionnelle satisfaisante. Des gosses qui n'ont pas les armes pour savoir que la sexualité normale est partage, égalité et non un rapport de force, de pouvoir où tout ne serait que performance. D'où le personnage du criminel, Alpha, imaginé par l'auteur.


Avons-nous le droit de nous définir d'abord en tant qu'individu avant de préciser notre genre, nationalité, religion etc, etc....?


C'est diablement bien écrit, intelligent, efficace, juste, d'une pertinence et d'une légitimité dans le propos bluffant, inoubliable en particulier concernant le passage sur le terme d'Empathie... Un grand livre.


Je pense que tous, directement touchés par le viol ou non, trouveront des réponses ou du réconfort émotionnel et intellectuel à lire ce thriller policier. Les accros à l'adrénaline ne seront pas en reste ni ceux plutôt mordus de psychologie. J'ai dores et déjà emprunté le second ouvrage de l'auteur "Fermer les yeux".

Quatrième de couverture

« Il resta plus d'une heure debout, face au lit du couple. Il toisait la jeune femme qui dormait nue, sa hanche découverte. Puis il examina l'homme à ses côtés. Sa grande idée lui vint ici, comme les pièces d'un puzzle qu'il avait sous les yeux depuis des années et qu'il parvenait enfin à assembler. On en parlerait. Une apothéose. »
Cet homme, c'est Alpha. Un bloc de haine incandescent qui peu à peu découvre le sens de sa vie : violer et torturer, selon un mode opératoire inédit.
Face à lui, Anthony Rauch et Marion Mesny, capitaines au sein du 2e district de police judiciaire, la « brigade du viol « . Dans un Paris transformé en terrain de chasse, ces trois guerriers détruits par leur passé se guettent et se poursuivent. Aucun ne sortira vraiment vainqueur, car pour gagner il faudrait rouvrir ses plaies et livrer ses secrets.

Prix des « Gouttes de Sang d'Encre » - 2019.

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