
Éva a lu pour vous ..
Chroniques littéraires
L'autre rive du Bosphore
Theresa Révay
Belfond
2013
407 pages
Historique
Chronique
29 novembre 2018

Voici un très beau livre qui m'a permis de terminer, heureuse, le mois de novembre 2018, où pourtant résonnaient les cris et la fureur.J'aime Istanbul, c'est ainsi depuis mes treize ans, quand j'ai eu la chance d'y séjourner avec O joie, un guide historien, passionnant et amoureux de sa cité. Somptueuse, cosmopolite, d'une beauté à couper le souffle, dont le passé et les différents noms ou qualificatifs traduisent ses facettes multiples, sa richesse, sa densité, je m'y suis curieusement sentie à ma place.
Le peuple est beau, indompté, à l'instar de l'héroïne de cette grande fresque historique, Leyla Hanim, orientale jusqu'aux bout des ongles sachant jongler avec les valeurs occidentales.Le récit s'étale de la fin de la première guerre mondiale en 1918 jusqu'en octobre 1923 : au côté de l'Allemagne perdante, la Turquie va devoir supporter un peu moins de cinq ans d'occupation des alliés, des décisions iniques lors des traités après armistice, la guerre contre les Grecs aidés par les anglais toujours enclins aux coups fourrés, l'incendie et la destruction monstrueuse de Smyrne, les batailles dans les plaines d'Anatolie, le vibrant espoir d'une population répondant à l'appel d'un nouvel homme fort, Mustapha Kemal.
Un roman, hommage vibrant aux femmes turques, avec ce personnage central autour duquel gravitent d'autres représentantes fières et symboliques du passé glorieux du sultanat jusqu'à la prochaine République.
Tous les espoirs sont permis....Également est évoqué avec justesse et dramatisme la tragédie de tous ces russes blancs ayant fui les bolchéviques, arrivés sur des bateaux tombeaux dans le Bosphore où se croisent également les destroyers des occupants. Le conflit mondial jusqu'à la paix signée durera en tout huit ans pour ce pays entre deux continents, entre deux régimes politiques.
Magnifique, ce roman très documenté comme toujours avec cette auteure, des plus inspirées et sensibles, traite d'une période intermédiaire dont on ne parle pas si souvent. Ces années de transformation, non des sultans et de leurs harems, non plus de la période dictatoriale, mais bien de cet épisode où tout pouvait encore être souhaité, espéré. Ce livre bouscule également les images d'Épinal sur les femmes stambouliotes ou anatoliennes « inféodées » aux hommes. C'est fou comme les occidentaux ont toujours fantasmé à tort sur cette civilisation et ses coutumes.
N'oublions évidemment pas l'Amour au centre de tout, la passion, l'attraction inévitable entre les êtres, la maternité, l'amitié indéfectible, la fraternité. Un grand souffle emporte tout, des voix ainsi continuent à nous parvenir à travers les siècles, celles des conquérants de la liberté. Je suis vraiment fan de cette auteure.
