
Éva a lu pour vous ..
Chroniques littéraires
L'ange blanc
Louis Mercadié
De Borée
14 février 2019
296 pages
Historique
Chronique
14 février 2019

« Ma petite fille est morte, ma petite fille est morte, on me l'a tuée ! «
« Ce soir-là, le ciel se vida de toutes les larmes qu'il possédait, comme s'il lui fallait absolument se laver de ce crime affreux.
Les trombes d'eau qui se déversèrent n'apaisèrent pas pour autant la colère, la douleur et l'incompréhension qui hantaient chaque villageois. Après le pansage dans les étables, chacun rentra chez lui en silence, la mine noire et renfrognée, une boule à la place du coeur. Les femmes fermèrent leurs volets et verrouillèrent leur porte... Le malheur était tombé sur la petite bourgade de Saint-Albrac... »
L'auteur, originaire du Nord-Aveyron, au pied du Mont Aubrac, est fils d'un tonnelier dont il a conservé le savoir-faire et l'exigence du travail bien fait. Louis Mercadié, artisan d'excellence, est un amoureux du passé, il transmet la mémoire des petits choses comme des évènements marquants avec clarté et précision, tout en nous emportant dans un récit hautement romanesque. Chevalier des Arts et Lettres, membre de la société des lettres, sciences et arts de l'Aveyron et historien, il est l'auteur de plusieurs ouvrages, dont "Marie Talabot, une aveyronnaise dans le tourbillon du XIX ème siècle" , pour lequel il a reçu deux prix littéraires. Il s'attache à faire revivre devant nos yeux des femmes héroïques natives de son département, aux destins extraordinaires et aux actes exceptionnels.
Ce livre n'est pas seulement un roman historique, de guerre ou de terroir, mais également une source d'information sur la condition féminine en 1914-1919 et le métier d'infirmière tel qu'il se dessine alors, préfigurant son statut actuel. Ajoutez à ces ingrédients, un crime inexpliqué d'une rare violence, l'arrestation arbitraire du seul étranger au pays et vous voici avec un thriller.
Une fiction complète, remarquablement écrite et construite, des Terres de l'Aubrac, à la ferme familiale puis à l'usine de munitions, jusqu'à Paris à l'Hôtel-Dieu ou au Val-de-Grâce pour finir au Chemin des Dames, dans la boue et le sang des champs de bataille, où volaient à la rescousse des blessés tous ces Anges blancs, opiniâtres, téméraires, efficaces, plus de 100 000 infirmières et femmes selon les chiffres officiels.
Ne négligez surtout pas les notes en bas de page qui regorgent de précisions souvent incroyables : par exemple que l'état accordait généreusement, pour la durée du conflit, l'autorité paternelle aux femmes restées au pays pour remplacer les hommes aux champs, dans les usines, dans les commerces....qui, de fait, devenaient chefs de famille mais qui restaient mineures aux yeux de la loi. Génial ce paternalisme !
