Éva a lu pour vous ..
Chroniques littéraires
L'écrivain public
Dan Fesperman
Cherche Midi
2018
453 pages traduites par Jean-Luc Piningre
Polar Historique
Chronique
12 janvier 2019
Premier roman publié aux Éditions du Cherche Midi, plus que réussi, écrit par un ancien reporter de guerre ayant couvert la plupart des conflits en Europe et au Moyen-Orient, poursuivant son parcours royalement comme auteur de romans policiers.
De très haute volée, un policier historique qui pour moi est déjà un classique de la littérature américaine contemporaine, élu meilleur roman policier de l'année par le New York Times. Et on le comprend, puisque outre l'originalité des deux personnages principaux, en particulier du fameux écrivain public si énigmatique, Maximilian Danziger, du traitement exceptionnel de cette période très méconnue de l'histoire des USA où on découvre avec effarement qu'en 1942, le ministère de l'intérieur, la Mafia, le FBI, la marine ont collaboré pour contrer les nazis et empêcher Hitler de renflouer ses caisses, l'auteur réussit en plus à nous projeter en plein quartier allemand new-yorkais, à nous en brosser son passé par le biais des souvenirs de Danziger, à faire revivre tous ces disparus, émigrés dès le début du XX ème siècle puis plus massivement dès 1930 pour échapper aux conséquences du national socialisme et de l'antisémitisme.
Ce qui est rarement raconté, ce sont les exactions des groupuscules nazis en plein New-York, leurs manifestations publiques, le soutien qu'ils obtinrent de certains américains y voyant un moyen de s'enrichir ou convertis à cette idéologie puante.
Tout ce qui est raconté ici est vrai ! Le personnage de Max Danziger est lui aussi inspiré de la réalité. Un élément resté flou dans les archives de cette époque ont permis à Dan Fesperman de bâtir tout ce thriller, magistralement construit et mené à son terme. La part émotionnelle de ce récit est énorme, bouleversante, puisqu'elle touche aux destins brisés de millions d'êtres humains venus aux USA pour voir la fameuse Lady Liberty et vivre enfin sans peur. Malheureusement, le mal les a poursuivis pour certains, au sein même de la petite Allemagne, incarné par des chemises brunes.
Le personnage du policier Woodrow Cain, est particulièrement bien décrit et imaginé. Nouvellement muté dans la grosse Pomme grâce aux relations de son beau père, un avocat riche à la morale douteuse, séparé de la fille de ce dernier et en attente de l'arrivée prochaine de leur enfant Olivia, il se voit catapulté dans un commissariat où son nouveau chef va lui faire regretter d'être venu et d'avoir eu son poste par piston, où les méthodes sont tendancieuses, où quelques flics semblent corrompus. On se croirait presque à l'époque joyeuse de la prohibition. Les limites entre la légalité et le banditisme sont difficilement visibles surtout en ces temps de guerre. Pearl Harbor, l'incendie du Normandie viennent d'avoir lieu...
Donc en ce début de roman, Cain est appelé sur une scène de crime sur les docks. Le lendemain matin, un vieil homme l'attend au commissariat depuis des heures, il sait qui est le mort. Max Dantziger, narrateur d'une partie de cette histoire, a choisi de plein gré de prendre le risque de revenir dans la lumière après des années de clandestinité, afin d'aider ce policier encore pur et innocent, tout juste débarqué de sa province. Un bouseux en quelque sorte, qui en tandem avec un homme plus qu'imprévisible, va devenir, au fil des pages, très dangereux pour des personnalités toutes puissantes. À part ce Cain, tout tient de la réalité. C'est ce qui est le plus fou et extraordinaire dans cet ouvrage.
Un roman à lire absolument, frissons et émotions garantis.