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Éva a lu pour vous ..

Chroniques littéraires

Journal Intime. Suites 1898-1902

Alma Mahler

Editions des Femmes Antoinette Fouque Bibliothèque des voix

Décembre 2019

4 h 06, lu par Julie Depardieu

Biographie

Chronique

26 janvier 2020

Très belle interprétation de deux lieder de Alma Mahler par Pauline Rinvet, soprano, et Solène Péréda, pianiste : « Bei dir ist es Traut » sur un texte de Rainer Maria Rilke et « Ich wandle unter Blumen » sur un texte de Heinrich Heine.


« J’ai encore lu « Zarathoustra » ce soir. – Maman et Carl repartent aujourd’hui. Nous, nous restons jusqu’à vendredi.

C’était délicieux, ce soir. Nous étions tous assis autour de la cheminée, nous avons éteint la lumière et nous nous sommes raconté nos vies. Dans la pénombre, j’ai joué du piano. – L’atmosphère était divine, la fontaine jasait sous les fenêtres, et tout le monde était dans le noir, étendu sur les fauteuils ou le sofa. – Je peux dire que j’ai vraiment joliment joué. Justement, tout est une question d’atmosphère chez moi – et c’était le cas. […] C’était une soirée incroyablement poétique. » A.M.


Nous assistons grâce à cet enregistrement tout en finesse et intelligence du journal intime de Alma Schindler par Julie Depardieu, à l'éclosion d'une femme. De la jeune fille issue d'un milieu artistique aisé où elle côtoie tout le beau monde et l'élite viennoise, fille d'un peintre célèbre, Emil Jakob Schindler et d'une cantatrice, Anna Bergen, que restera-t-il après ces quatre années pendant lesquelles tout va basculer dans sa vie intime, amoureuse, familiale, musicale et artistique, mais aussi sur le plan politique et international, de l'âme exaltée de cette surdouée, de cette beauté faisant tourner toutes les têtes, de cet être en recherche de destin, de mission ?


Coquette, mutine, auto-centrée comme l'on peut l'être à cet âge, elle fait ses premiers pas dans le monde adulte.... Elle a peur et en même temps est exaltée.... Elle vibre et en même temps cache sous un masque social ou pour jouer de ses pouvoirs sur les autres, ses sentiments, ses emballements.


Elle est littéralement bouleversée pendant cette période ; la composition, la musique, son adoration pour certaines œuvres, sont ses repères dans tout ce bouillonnement intérieur dont elle ne sait que faire. C'est une enfant encore au début de ce journal ou "suites", comme elle le nomme, une ingénue cependant capable d'une maturité exceptionnelle... Elle a de ces fulgurances, presciences qui nous laissent abasourdis.


Elle fut beaucoup décriée plus tard pour sa vie amoureuse, trois maris, des amants... On cache sous silence toutes les pertes et les chagrins, aussi, dus aux décès successifs de ses enfants.... elle mène son existence tambour battant, de plus en plus convaincue de l'injustice de la place secondaire octroyée aux femmes de son temps. Elle en est consciente oui, mais après ses amours avec Gustav Klimt et Alexander von Zemlinsky, compositeur et son professeur de musique, la rencontre avec Gustav Mahler, de dix neuf ans son aîné, va tout balayer. Son ambition de composer, de créer un opéra.... Il n'en sera plus question.


D'un journal intime où d'abord l'enfance perdure longtemps, nous découvrons ensuite des pages d'un érotisme et d'une passion charnelle qui ne laissent aucun doute sur la métamorphose de Alma Schindler en Alma Mahler.

Sa vie sera d'un romanesque incroyable inspirant à Françoise Giroud son livre " Alma Mahler ou l'art d'être aimée" et à Bruce Beresford son film " Alma, la fiancée du vent".

Elle composa 16 lieder, des pièces pour piano, fut peintre, et l'épouse de Walter Gropius, architecte, puis de Franz Werfel, romancier.


Aurait-elle éprouvé une telle passion pour Gustav Mahler, son père de substitution selon la théorie de Freud consulté par le musicien malheureux, si son père n'était pas mort un peu plus tôt ? Si sa mère ne s'était pas remariée en fondant une nouvelle famille dont elle fut de facto " rejetée" ? Ces deux événements, ces "abandons "successifs, ou vécus comme tels, ne l'ont-elle pas poussée trop vite dans les bras du compositeur ?


Toujours est-il que ce journal est un témoignage exceptionnel sur le monde artistique de l'époque, nous éclaire sur la personnalité de certaines célébrités, Klimt, Zemlinsky, Max Burckhardt directeur de théâtre... On y croise Schoenberg venu prendre un cours avec Zemlinsky.... Palpitant...

Le style est parfois précieux, ampoulé, artificiel puis tout d'un coup d'une franchise, d'une crudité, d'une cruauté caustique. Sacré caractère tout de même pour cette femme qui sera une incontournable de la scène artistique internationale jusqu'à son décès à 85 ans à New York. J'ai été rechercher des photographies de sa vie postées sur Eva Impressions littéraires....


Quant à la lecture de Julie Depardieu, elle est parfaite tant par la justesse du ton, la prononciation impeccable, que par la qualité de sa voix tout à la fois mutine, enfantine puis grave et sensuelle... Les non-dits, les sous-textes sont rendus perceptibles, compris, grâce à l'interprétation ciselée de la comédienne ultra-sensible. Le fait en plus qu'elle soit mélomane ajoute à l'évidence de sa présence sur ce projet réalisé par Francesca Isidori.

Très très belle prestation de Pauline Rinvet, soprano, et Solène Péréda, pianiste.

Quatrième de couverture

Alma Mahler a 19 ans quand elle commence à écrire son journal qu’elle tient pendant près de quatre ans – 22 carnets qu’elle appelle « Suites », comme une composition musicale. De son histoire d’amour avec Klimt jusqu’à sa rencontre avec Gustav Mahler dont elle gardera le nom, elle nous entraîne dans ses élans et ses désillusions. La brillante compositrice et interprète évoque également sa passion pour la musique et pour l’art, et révèle une personnalité audacieuse, exaltée et d’une troublante maturité.

Julie Depardieu :
Julie Depardieu débute sa carrière d'actrice aux côtés de son père, Gérard Depardieu, dans le Colonel Chabert, en 1994.
Elle reçoit dix ans plus tard le Prix du Meilleur espoir et celui du Meilleur second rôle féminin, pour son rôle dans La Petite Lili de Claude Miller. Une nouvelle collaboration avec le réalisateur lui vaut de nouveau le César du second rôle dans Un secret. Elle fait désormais partie de ces figures familières du cinéma français dont on ne peut plus se passer. Grande mélomane, elle anime depuis 2017, une chronique hebdomadaire sur France musique.
J'ajoute qu'elle a mis en scène "Les contes d'Hoffman" de Offenbach en 2008 pour les Opéras en plein air.

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