Éva a lu pour vous ..
Chroniques littéraires
Je serai Le Feu
Diglee
La Ville Brûle
8 octobre 2021
256 pages, version illustrée
Beau Livre
Chronique
20 décembre 2022
Les poèmes en anglais étant traduits par Clémentine Beauvais.
Présentation en vidéo de cet ouvrage sur Eva Impressions littéraires et Eva Résonances littéraires :
Le titre, en premier lieu, a été emprunté à un vers de Claude de Burine, poétesse méconnue dont ne reste que les œuvres et les mots, universels.
[C'est d'ailleurs ce qui m'a encouragée à mener à bien ce livre : parce qu'une part de moi espère que les mots peuvent encore agir au-delà de leur sens primaire, de leur grammaire, au-delà de notre culture et des lois intellectuelles qui régissent notre approche de la langue. Agir de manière archaïque, simplement pour leur son, leur forme, leur empreinte sur la page.
« De préférence j'écris des vers très courts, pour que le sang passe entre les mots, qu'il soit à l'aise, à son affaire, qu'il donne un coup de rein, une caresse, comme dans l'amour... » Écrivait Claude de Burine.
C'est pour toutes ces raisons que j'ai choisi comme titre à ce livre des vers de Claude. Ils me semblaient contenir toute l'indiscipline violente, l'audace brutale et solaire dont ont dû faire preuve l'ensemble des femmes rassemblées entre ces pages : « Si l'on m'aborde, Je serai le feu. »]
L'autrice illustratrice insiste bien sur le fait que ce recueil n'est pas une anthologie mais le rassemblement de poèmes choisis subjectivement composés par cinquante femmes. « À la recherche des poétesses perdues » pourrait être le soustitre tant nos sœurs d'hier et d'aujourd'hui ont toujours été reléguées à la seconde place par ces messieurs ; certaines pourtant ont eu une reconnaissance et une célébrité en leur temps. Que reste-t-il de ces artistes pluridisciplinaires pour la plupart ?
Quelque soit le courant de pensée et de création de l'époque où elles naissent, bien que pionnières bien souvent, leur féminité leur est soudain renvoyée au visage comme une tare ; en effet, leur liberté, leur indépendance, leur désir sexuel assumé, leur intelligence, sont insupportables, doivent être écrasés. On retombe bien vite dans l'aberration « ni vierge, ni prostituée » préfigurant le « ni pute, ni soumise », les deux seuls choix laissés à la gent féminine.
La question du non genre en particulier dans l'acte de création est au centre du travail de beaucoup. Elles sont des féministes au sens noble, elles ouvrent bien des chemins à leurs héritières.
N'étant pas en confort avec l'angle choisi par DIGLEE, (serait-ce une question de génération ? Je ne crois pas), je ne suis pas une partisane des « iel », du non-genre en permanence, de certains nouveaux termes comme « racialisé », et pas fan enfin du féminisme d'amazone. Mais en tant que dessinatrice, styliste et chanteuse lyrique, œuvrant malheureusement toujours dans un monde paternaliste et misogyne, je tiens cependant à saluer ici le travail très abouti qu'elle nous offre : j'aime son style littéraire, sa remise en question permanente, ces biographies courtes mais essentielles, sa poésie graphique, son enthousiasme réjouissant. Je la remercie pour les informations et les vérités historiques qu'elle dévoile, pour toute ces heures de recherches passionnées et généreuses, pour son érudition accessible.
C'est un très bel ouvrage en tant qu'objet et par son contenu. J'aime particulièrement Emily Dickinson dont j'ai interprété douze poèmes mis en musique par Aaron Copland, et oui je rejoins DIGLEE dans la formulation que ce fut pour moi une « rencontre » avec Emily en 1998 qui depuis lors m'accompagne.
Anna Akhmatova, Maya Angelou, Patti Smith, Maria Krysinska m'ont interpellée, leurs poèmes touchée.
Un très beau cadeau toute l'année.