
Éva a lu pour vous ..
Chroniques littéraires
Je me suis probablement perdue
Sara Salar
des femmes Antoinette Fouque
Le 12 septembre 2024
144 pages traduites du farsi (Iran) par Sébastien Jallaud
roman
Chronique
12 septembre 2024

ATTENTION DANGER !
J'ai terminé ce court récit voici quelques jours et selon la formule consacrée, je n'en suis pas sortie indemne. Eu besoin d'un temps pour redescendre, pour revenir dans ma vie.
ATTENTION DANGER !Toute infime ressemblance avec des situations vécues par vous en France n'est pas fortuite.
ATTENTION DANGER !
Danger de ne plus contrôler vos vies, vos certitudes, vos réflexions, danger de vous perdre, danger d'être piégé dans un monde fou et schizophrène, danger de ne plus savoir où est la réalité et le fantasme, danger que les battements de votre cœur s'accélèrent jusqu'à l'explosion, danger que votre résistance interne se mue en colère puis en fureur, danger que vous ne sachiez plus dans quel espace temps vous vous situez, danger d'arracher le voile pour mieux cracher aux visages des hommes, tous les hommes, danger de ne pas être une bonne mère, danger de ne jamais s'aimer, danger de souffrir du complexe de l'imposteur, danger de se sentir minable et coupable, danger de devenir une anarchiste, une révolutionnaire, danger de mourir, danger de tuer, danger de disparaître, DANGER ! ATTENTION FEMME DANGEREUSE !
Une route, une voiture de luxe, une mère sous un tchador noir comme ses pensées, son petit garçon à l'arrière, retour à la maison. Radio allumée, flashs infos obéissant à la censure gouvernementale, affiches publicitaires racoleuses et ultra consuméristes et occidentales ubuesques dans ce contexte iranien, supermarchés, messages et regards graveleux lancés des autres véhicules par des hommes en chasse, messages permanents de surveillance du mari, messages audio et par SMS de harcèlement sexuel de son associé, et la tête qui bourdonne de plus en plus.
Flashbacks ou symptômes d'un dysfonctionnement : reviennent en mémoire des dialogues avec le psy, avec une amie adorée et haïe au lycée, Gandom, vision du petit ami de cette dernière, Farid Rahdar, vision de leur famille avant, retour à aujourd'hui pour jouer tant bien que mal son rôle de mère...
Peu à peu le texte du début quelque peu fragmenté devient épileptique, le disque interne de la narratrice beugue et nou...nou... nous avec elle.
La vague nausée se transforme en malaise total, le mal de tête en une migraine invalidante, on se tape le crâne contre les murs réels ou intimes, vite trouver une issue, vite retrouver son équilibre, vite !
ATTENTION DANGER !
Merci à l'autrice pour cette mise en abîme bien plus signifiante et percutante que n'importe quel discours.