
Éva a lu pour vous ..
Chroniques littéraires
Il était deux fois
Franck Thilliez
Fleuve Noir
4 juin 2020
528 pages.
Thriller & Polar
Chronique
20 novembre 2020

J'étais restée perplexe bien que bluffée à la fin de l'opus précédent « Le manuscrit inachevé ». Avec ce nouveau roman apportant des strates supplémentaires et des éclaircissements, j'ai maintenant une vision d'ensemble apaisée de ce récit
labyrinthique. Je ne suis pas adepte des livres à énigmes, à codes, je ne suis pas non plus une groupie de cet auteur. Donc lorsque j'écris que cet ensemble de thrillers m'a passionnée, soufflée, c'est en pesant mes mots.
Conseil : lisez bien le manuscrit inachevé avant celui-ci et laissez-vous emporter. J'envie ceux qui découvriront cette histoire en deux parties dans la continuité, sans s'arrêter.Magistral !
Comme lors de la rédaction de ma précédente chronique, il me semble incontournable d'évoquer encore la jubilation, le plaisir, l'amusement évidents que, sans doute possible, Franck Thilliez a ressenti pendant l'écriture de ce texte. Tordu, sadique, malicieux, l'auteur nous offre à nouveau un polar ténébreux et labyrinthique, toutefois traversé de lumières.Vers la page 300, une migraine m'a reprise à l'évocation du manuscrit inachevé, me disant que j'allais encore avoir besoin de paracétamol et puis non ! Au contraire, pas de zone d'ombre ici, pas de petit jeu final, pas de conclusion ouverte, pas de cerveau qui fume.
Mais je vous rassure, vos petites cellules grises vont frétiller, votre palpitant va s'emballer, vous allez frissonner de peur tout en vous divertissant. Et pourtant plus le dénouement approche, plus l'ignoble, l'horreur se renforcent...
Mais au-delà de ce qui est décrit, l'écrivain nous amène à réfléchir sur notre propre implication de lecteurs, notre responsabilité de potentiels voyeurs de l'horreur à l'instar des Romains venus au jeux du cirque pour assister à des carnages, ou des afficionados de mises à mort de taureaux dans les arènes.
Tout est jeux de miroirs, de vases communicants, tant dans la forme que sur le plan du scénario lui-même.... Deux hommes enquêtant en parallèle, Gabriel ex-gendarme et Paul son ancien partenaire, deux jeunes filles disparues, deux romans, tout est réalité et son reflet....En poussant plus loin, nous, lecteurs, sommes les pendants indissociables de l'auteur, et si celui-ci se délecte à plonger dans les abysses, dans les ténèbres de l'âme humaine, qu'est-ce que notre envie de le lire dit de nous ?
Si certains écrivains diffusent par leurs écrits le Mal, que dire de leur lectorat ? Le champ littéraire est-il un espace où un malade en puissance peut sans risque commettre le crime parfait ?Franck Thilliez, qui n'entre pas dans cette catégorie, va pousser le curseur encore plus loin rendant le propos plus large, universel.
Vous en dire plus serait trop....
Enfin ce roman est encore un hommage à Sir Arthur Conan Doyle entre autres, mais encore plus à Stephen King dès l'ouverture... Un homme se réveillant en ayant oublié les douze dernières années au moment où une multitude d'étourneaux s'écrasent morts au sol. Évocation des textes sacrés, des sept plaies menaçant notre monde... Il ne manque plus que les quatre cavaliers de l'Apocalypse pour parfaire le tableau. Un nuage noir plane au dessus de nos têtes telle une menace surnaturelle...
Amnésie rétrograde pour Gabriel, retour à la case départ, game over pour nous... On recommence, on repart dans un récit infernal sorti d'un esprit tortueux et brillant.
