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Éva a lu pour vous ..

Chroniques littéraires

Harlem Shuffle

Colson Whitehead

Albin Michel

Le 4 janvier 2023

432 pages traduites par Charles Recoursé

polar historique

Chronique

9 septembre 2025

"Après un Nickel Boys aux tons graves, l’écrivain deux fois récompensé par le prix Pulitzer se frotte au polar et à la comédie dans un hymne au Harlem bouillonnant des années 1960, berceau de la lutte pour les droits civiques."

J'ai commencé la trilogie à l'envers par le deuxième tome, "La règle du crime" chroniqué sur Évanances littéraires. 

J'ai été séduite par le personnage de Raymond Carney, anti-héros touchant, malchanceux mais malin, par le rythme endiablé, par l'humour décapant et un peu désespéré, par les moments de tendresse, par la plongée dans le Harlem de l'époque, par l'omniprésence de la musique, du design, par ce somptueux hymne au peuple afro-américain, à sa résistance, à son courage, à ses faiblesses. 

Je savais que je devais inévitablement revenir au début du récit pour mieux comprendre Ray et ses choix. 

Ray, fils d'un gangster et père désastreux, toujours dans l'autocritique et la sous-estime, souffrant du complexe de l'imposteur depuis qu'il est marié avec Elizabeth, issue d'un milieu bourgeois, ayant réussi contre vents et marées à ouvrir son magasin de meubles et accessoires de maison. 

Un succès qu'il doit à son travail mais aussi à ses magouilles et son activité de fourgue. 

Son but : s'élever dans l'échelle sociale et être accepté comme membre du très sélectif club Dumas où tous les afro-américains qui comptent à New York se retrouvent. 

Mais ce n'est pas gagné, car si les noirs souffrent jour après jour du racisme, des lois iniques encore en vigueur dans la réalité, ils se bouffent aussi le nez entre eux. L'absurde règne en maître dans ce monde à part où plus ta peau est pâle, plus tu es respecté. Un comble ! 

Alors que les violences policières augmentent dans une ville devenue poudrière dans certains quartiers, Ray essaie de tirer son épingle du jeu alors que son cousin Freddie le paumé, le drogué, la cause perdue de la famille, le met encore dans les embrouilles. Mais cette fois, c'est du lourd et les siens sont menacés. 

Vivant sous une double identité, celle du délinquant roublard et du commerçant respectable, paniqué à l'idée que son Elizabeth ne découvre sa vraie nature, rancunier et à l'âme vengeresse comme son père le fut, Ray avance au volant du pickup de son paternel dans les rues de Harlem au son de la Motown comme pris dans une chorégraphie de Harlem Shuffle, aux heures de la dorveille entre une heure et deux heures du matin, élaborant ses plans et essayant de garder son calme. 

Les mauvais garçons ne sont pas toujours ceux que l'ont croit, ce sont aussi des blancs friqués auxquels la grosse pomme appartient. 

Plongée fantastique de 1959, "Carney n'était pas un voyou tout juste un peu filou", à 1961, Une enveloppe est une enveloppe. Une seule personne perturbe sa circulation, et c'est tout le système qui s'écroule", et enfin 1964, "...Jouez peut-être pas le même numéro à tous les coups. Essayez autre chose, voyez ce qui se passe. Si ça se trouve, vous êtes à côté de la plaque depuis le début." 

Histoire de la métamorphose d'un p'tit gars des bas quartiers, oublié des bonnes fées à sa naissance, qui veut atteindre les sommets et gagner sa respectabilité aux yeux des autres et surtout aux siens. Les méthodes utilisées pour y réussir ne sont pas forcément très orthodoxes, mais a-t-on toujours le choix ? 

Fabuleux ! J'attends le troisième opus avec impatience. 

"Je décris un Harlem qui est en plein déclin dans les années 1950 et 1960. Aujourd’hui, c’est un quartier qui a profité de la gentrification et qui s’est revitalisé. Harlem Shuffle raconte l’histoire de la ville tout entière, qui ne cesse d’être mise K.-O. Mais à chaque fois, rebondit (…) Si on lit son histoire, on voit que c’est une succession sans fin de fléaux – des incendies, la fièvre jaune, la guerre avec les Indiens, la guerre avec les Anglais. La ville brûle. Et puis elle renaît de ses cendres. Et nous reconstruisons. Cette vitalité est, pour moi, une chose magnifique à garder en mémoire", a confié l’auteur au New York Times.

Quatrième de couverture

Petites arnaques, embrouilles et lutte des classes... La fresque irrésistible du Harlem des années 1960.Époux aimant, père de famille attentionné et fils d'un homme de main lié à la pègre locale, Ray Carney, vendeur de meubles et d'électroménager à New York sur la 125e Rue, « n'est pas un voyou, tout juste un peu filou ». Jusqu'à ce que son cousin lui propose de cambrioler le célèbre Hôtel Theresa, surnommé le Waldorf de Harlem...

Chink Montague, habile à manier le coupe-chou, Pepper, vétéran de la Seconde Guerre mondiale, Miami Joe, gangster tout de violet vêtu, et autres flics véreux ou pornographes pyromanes composent le paysage de ce roman féroce et drôle. Mais son personnage principal est Harlem, haut lieu de la lutte pour les droits civiques, où la mort d'un adolescent noir, abattu par un policier blanc, déclencha en 1964 des émeutes préfigurant celles qui ont eu lieu à la mort de George Floyd.

Avec Harlem Shuffle, qui revendique l'héritage de Chester Himes et Donald Westlake, Colson Whitehead se réinvente une fois encore en détournant les codes du roman noir.

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