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Éva a lu pour vous ..

Chroniques littéraires

Gabriële

Anne et Claire Berest

Stock

2017

421 pages

Biographie

Chronique

6 avril 2018

« Il est difficile de résister à quelqu'un qui vous veut terriblement. Il est impensable de résister à Francis Picabia. »


À l'origine de cette biographie de Gabriële, l'arrière grand-mère des auteures, une immense et douloureuse cassure dans l'histoire familiale, des secrets, des silences, un grand-père Vicente Picabia qui se suicide, dernier fils de Gabriële et Francis ; sa fille n'abordera plus le sujet de ce côté de la famille. Non Anne et Claire Berest ne connaîtront que la famille de leur père. Porte fermée, point final.


Dans un texte inédit, Gabriële écrit : « Je n'ai pas pris conscience du rôle de mère au moment où j'avais mes enfants. C'est plus tard, beaucoup plus tard, que j'ai médité là-dessus. L'amour que j'avais pour cet homme-là [Francis] était tellement fort qu'il prenait tout. J'ai regretté de n'avoir pas ressenti de lien maternel, ce lien qui existe entre la mère et l'enfant. Je vivais l'amour de mon mari comme une musique qui te berce continuellement.»


Entre septembre 1908 et 1919 ils auront quatre enfants tout de même, bien gentils, un peu encombrants... Non leur vraie vie est ailleurs ! J'espère que ce livre qui s'arrête à la naissance de Vicente en 1919, à la moitié environ de la vie de Gabriële commençant à sa séparation de corps avec Francis, aura permis aux deux sœurs et à leur mère de trouver la sérénité par la compréhension des évènements et de cette passion ogresse entre ces deux amants terribles.


Voilà donc une jeune femme qui suit les cours de la prestigieuse Schola Cantorum sous l'égide de Vincent D'Indy, qui fréquente Camille Saint-Saëns, Claude Debussy, Maurice Ravel, Eugène Ysaye, qui cherche un nouveau langage musical affranchi des règles de l'harmonie, (ce qui donnera lieu à la musique contemporaine et électronique bien plus tard), qui tout d'un coup suite à cette rencontre avec ce fou, ce dingue, cet illuminé de Francis Picabia, laisse tout tomber, pour ne se consacrer qu'à cet homme génial certes, mais coureur, infantile, neurasthénique, par certains côtés totalement amoral, égocentrique, insupportable, imposant tout à sa femme, sa mère, son infirmière, sa muse, son amante, sa psy, Gaby.

Elle voit plus loin, « pas de jalousie. Pas de rancune. Et l'art comme unique urgence. »

Elle déplacera sa passion de la musique sur la peinture :

« ...la peinture nouvelle est à la peinture représentative ce que la musique est à la poésie. L'une ne peut ni remplacer ni supprimer la raison d'être de l'autre. »


Femme d'une intelligence fulgurante, elle donnera de multiples interviews aux USA et ailleurs, elle clarifiera la pensée, elle sera le meilleur agent de Picabia, Duchamp et bien d'autres, auprès des journalistes et des mécènes. À l'un d'eux elle dit : « Ces toiles étranges que vous voyez sont liées aux progrès techniques, explique-t-elle. Parce que la photographie, devenue le cinéma, a enlevé à la peinture son rôle le plus important. Autrefois, la peinture avait pour mission de garder l'image de la vie des hommes dans le temps. Aujourd'hui, tout est différent. » D'où une recherche d'abstraction intellectuelle puis fantaisiste ... Cubisme, dadaïsme, surréalisme...


Elle va donc accompagner ce sacré Francis, faire plusieurs fois ménage à trois, soit artistiquement avec Marcel Duchamp (l'ange quelques fois satanique, fou amoureux de Gaby) et Guillaume Apollinaire, (personnage le plus attachant, délicat et aimable de cette biographie, l'ami fidèle mort de la grippe deux jours avant l'armistice ! ), et avec ses maîtresses.


C'est bizarre de laisser Gabriële aux portes d'une nouvelle vie en 1919, sachant ce qu'elle aura de fantastique ensuite. J'aimerais vraiment lire la fin de l'histoire....

Cette femme, à part, a laissé une marque indélébile sur notre société et l'art, secrètement, discrètement, dans l'ombre ; c'est ce qu'elle souhaitait, peut-être pour préserver sa liberté d'action. Les enfants en ont pâti, ce livre souhaitons-le, leur aura apporté la lumière et la paix. Très beau texte, bouleversant et passionnant, indispensable à la compréhension de notre Histoire.

Quatrième de couverture

Septembre 1908. Gabriële Buffet, femme de 27 ans, indépendante, musicienne, féministe avant l’heure, rencontre Francis Picabia, jeune peintre à succès et à la réputation sulfureuse. Il avait besoin d’un renouveau dans son œuvre, elle est prête à briser les carcans : insuffler, faire réfléchir, théoriser. Elle devient « la femme au cerveau érotique » qui met tous les hommes à genoux, dont Marcel Duchamp et Guillaume Apollinaire. Entre Paris, New York, Berlin, Zürich, Barcelone, Étival et Saint-Tropez, Gabriële guide les précurseurs de l’art abstrait, des futuristes, des Dada, toujours à la pointe des avancées artistiques. Ce livre nous transporte au début d’un XXe siècle qui réinvente les codes de la beauté et de la société.
Anne et Claire Berest sont les arrière-petites-filles de Gabriële Buffet-Picabia.

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