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Éva a lu pour vous ..

Chroniques littéraires

Flora Tristan

Brigitte Krulic

Gallimard

13 janvier 2022

384 pages

Biographie

Chronique

5 septembre 2022

Fabuleuse biographie de cette femme injustement oubliée pendant des décennies et des décennies et qui soudain fut redécouverte à partir de la première moitié du XXe siècle.

Nous avons tous en mémoire Olympe de Gouges et sa Déclaration de la Femme et de la Citoyenne de 1791 qui restera lettre morte, la Révolution n'ayant favorisé que certains en oubliant dans les fossés bordant le chemin de la liberté, de l'égalité et de la fraternité, les femmes et les plus pauvres.


Quelle « drôle de bonne femme » comme disait son petit-fils Paul Gauguin, et ceci dès sa conception ! Pensez donc ! Flora Tristan (1803-1844), est la fille d’un noble Péruvien et d’une Française. Ce couple fait l'énorme erreur de ne pas se marier et ainsi condamne de facto cette pauvre petite à être considérée comme bâtarde. La mort du père est une catastrophe pour sa veuve : Il y a bien une famille riche au Pérou, un oncle surtout, Pio Tristan, qui pourrait les aider, mais ce n'est pas gagné.


Aventureuse, impétueuse, portée par ses passions, son sens de la justice, son horreur de l'inégalité sociale ou entre les sexes, Flora Tristan est une formidable analyste de son temps, que ce soit au Pérou, en France ou en Angleterre, décortiquant avec acuité les faiblesses du système en place, ayant suffisamment d'imagination et d'intelligence pour réussir à projeter de nouvelles règles susceptibles de profiter à tous et surtout aux faibles, aux pauvres et aux femmes.


Elle ne brigue pas de mandat politique elle travaille dans le social, dans l'humain, sur le terrain. elle publie plusieurs ouvrages et brochures en faveur de l’émancipation féminine. Elle est à l'origine avec d'autres femmes en Europe de ce que l'on n'appelle pas encore en ce XIXe siècle, féminisme ; elle fait l'apologie du divorce et de l’amour libre, et fut à l'origine du socialisme international en publiant son ouvrage l’Union ouvrière.


Elle peut se tromper évidemment, et son égo ou l'aveuglement né de son tempérament ardent peuvent la faire paraître particulièrement entêtée, orgueilleuse, incapable de travailler en équipe. Il est vrai, et l'autrice n'embellit pas le portrait qu'elle trace de la belle Paria ; cependant, on ne peut que constater également qu'elle est tout à fait novatrice dans ses propositions socialistes, dans son désir de créer une Union ouvrière réelle regroupant toutes les corporations de toutes les villes, de tous les pays, toute cette classe laborieuse première victime des conditions de travail et de vie déplorable que leur imposent les nouveaux patrons enrichis par la Révolution industrielle. De sa calamiteuse expérience du mariage, (se finissant par une tentative d'assassinat et par la condamnation de l'époux devenu fou face à une épouse incontrôlable et plus intelligente que lui), et de ses nombreuses lectures et recherches studieuses, elle conclue à raison que le "1789" des pauvres et à fortiori des femmes n'a jamais eu lieu, que la Révolution s'est arrêtée en marche, qu'on ne peut prêcher l'Union ouvrière des hommes sans y ajouter celle des femmes, (et même j'ajoute des enfants), qui tous triment de la même façon pour un patron engraissé sur leurs dos.


Elle n'est pas intéressée par le vote au suffrage universel pour le moment comme le sont les autres activistes, elle pense que la classe ouvrière mixte doit d'abord s'organiser avant d'y penser. Elle y ajoute des préceptes issus des dogmes chrétiens, profondément attachée à la figure de Jésus comme l'homme en lutte contre les oppresseurs et les colonisateurs Romains et leurs complices collaborateurs que l'on retrouve jusqu'au Temple de Jérusalem. Elle méprise l'Eglise et ses représentants. Elle ne garde que le message de paix, d'amour de Jésus qu'elle transmet inlassablement aux ouvriers lors de son Tour de France. ( Marx s'opposera à cette vision chrétienne des choses évidemment).


Ainsi bien que son discours devant les différents groupes et communautés ouvrières ne soit pas un appel à la révolution, à la violence, la police du pays ne cesse de lui mettre des bâtons dans les roues, de la harceler, de l'épuiser. Les soulèvements du peuple de Paris opposant au régime en place depuis 1830 ne sont pas oubliés. La colère populaire gronde.

Flora se lance de toute son âme, de tout son cœur, se jette à corps perdu, dans cette lutte pour la liberté, l'égalité, la fraternité et encore plus la solidarité comme l'indique clairement la gravure sur sa tombe au Cimetière de la Chartreuse de Bordeaux : une colonne brisée comme le fut sa vie à quarante et un ans seulement. On peut imaginer ce qu'aurait été ce destin fabuleux si ses forces ne l'avaient abandonnée.


« Loin de s’estomper, le parcours de Flora Tristan semble peu à peu faire l’objet d’un véritable culte à travers le monde. Écrivain, ouvrière militante, fille rejetée, mère battue, elle semble avoir vécu et couvert toutes les facettes de la condition féminine dans ce qu’elle a de plus vrai mais aussi de plus dur. Elle apparaît aujourd’hui, de plus en plus, comme une figure majeure des luttes de la classe ouvrière et pour la condition féminine partout dans le monde. Aussi, les centres, lycées, clubs... baptisés de son nom sont toujours plus nombreux.


8000 personnes assistèrent à ses obsèques. Sa tombe, réalisée par une souscription publique, se compose d’une colonne brisée sur laquelle s’enroule une guirlande de chêne et de lierre. Sur sa partie supérieure est posée l’Union ouvrière, son ouvrage majeur. »

Philippe Landru, mars 2008.

Quatrième de couverture

« Une drôle de bonne femme » pour Gauguin, son petit-fils ; « la cousine de Marx et la grand-mère du MLF » pour ses admirateurs de 68 ; une héroïne romantique pour André Breton : tout au long de sa courte vie, Flora Tristan (1803-1844) n'a cessé de brouiller les représentations convenues. Elle qui se voyait comme « un être à part » anticipe les sensibilités de notre époque. Née aux marges de la société, elle refuse très jeune de confiner son existence ; de cette marginalité même elle fera un étendard : la Paria, une « indignée » avant l'heure. Cette biographie recompose l'itinéraire d'une femme intempestive qui bouscule ses contemporains en se risquant dans cette chasse gardée masculine qu'est l'espace public.
Constituer la classe ouvrière, proclamer l'égalité des sexes, redéfinir le code amoureux en consacrant le principe du consentement explicite des femmes : voilà la mission qu'elle se donne. Inlassablement, elle prend la plume, s'aventure sur le terrain pour affronter le spectacle de la misère, au Pérou, en Angleterre et à travers la France, à la rencontre des prolétaires - compagnons du Tour de France, associations ouvrières, vétérans des insurrections de canuts...Flora Tristan, enfant du siècle des prophètes et des mages romantiques, transfère sur le peuple une sacralité créée par la Révolution. L'originalité de celle qui se voyait en apôtre de l'égalité est d'avoir placé l'identité sexuelle au cœur de la question sociale, avec une netteté et une radicalité inédites. Elle se sentait appelée à "faire sonner le 89 des femmes" pour enfin pouvoir réaliser le 89 des ouvriers, et ainsi l'émancipation du genre humain.

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