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Éva a lu pour vous ..

Chroniques littéraires

Five Points

Eric Yung

De Borée

11 mars 2021

293 pages

Polar Historique

Chronique

13 avril 2021

« Le crime m'a séduite et je lui ai cédé, aimait répéter la Princesse à ses amis. D'où je viens et si je ne l'avais pas rencontré, je ne serais rien aujourd'hui. Le crime et moi ? C'est un mariage de raison. C'est un peu comme si j'avais dit oui à un amant à qui j'apportais son besoin de prospérité tandis qu'il me dotait d'une belle fortune. Le crime a ses vertus. »


« Mme Saint-Clair avait conscience de ce qu'elle était. Bien sûr, elle ne possédait pas un empire reconnu par l'officiel Syndicat du crime [...] Non ! Elle était la Princesse de Harlem. Elle était la seule femme, française de surcroît, qui s'était imposée dans le mitan longtemps dominé par les gangs irlandais, juifs et afro-américains. »


À partir de très peu d'informations, une adresse à New York, un viol avéré, perpétré par des membres du Ku Klux Klan un jour de lynchage, des noms de certains personnages célèbres, intellectuels à l'origine du mouvement de la Renaissance de Harlem, du boxer Battling Siki et de membres et chefs de la pègre, Éric Yung imagine une biographie fictive doublée d'une fresque historique incroyable.


J'ai été emportée dans cette histoire dès les premières pages repensant au personnage de Fish Monney dans la série Gotham, cette magnifique et terrifiante cheffe de gang. L'atmosphère de ce polar historique est tout aussi délétère, en clair obscur : Stéphanie Saint-Clair, jeune fille à la psychologie complexe, dès son arrivée à Harlem sait qu'elle devra faire preuve de bravoure, de patience, de duplicité, de sauvagerie également, dans ce monde où être femme et noire sont autant de handicaps sur le chemin de la réussite et de la fortune. Mélange de force inouïe, de fragilité extrême, de brusques états dépressifs, de féminité raffinée, d'érudition inattendue, d'un sens moral à dimension variable, de talent incontestable de leader et de meneuse de meute, elle règne sur ce quartier de New York grâce au contrôle des loteries clandestines.


Par chance, les autres gangs en ces temps de prohibition, de crise économique mondiale, se partagent d'autres territoires et marchés. Elle fait du business entourée de ses hommes, de son amie Maria et de sa secrétaire Chloé, admirée pour sa détermination et son courage hors norme par l'intelligentsia afro-américaine, mais aussi par tous ces habitants de Harlem dont elle est la Princesse et plus sûrement la Reine. En la suivant pas à pas, nous découvrons un monde inconnu, celui des gangs noirs new-yorkais passés dans l'ombre, la lumière étant braquée sur la mafia, la Cosa Nostra et autres Al Capone, Lucky Luciano...


Époque édifiante s'étirant des années 1920 à l'après seconde guerre mondiale : la société entière change et le microcosme de la pègre doit s'y adapter. Grâce à Stéphanie, nous sommes les témoins privilégiés de cette métamorphose du gangstérisme artisanal à celui en cols blancs, tout aussi dangereux et violent, n'obéissant plus aux mêmes codes d'honneur.Grâce à des descriptions détaillées des lieux, de certains quartiers de New York, des toilettes, voitures, mais aussi à des portraits hauts en couleurs des différents protagonistes de ce monde à la marge, nous sommes propulsés dans un passé sanglant, terrifiant et étonnamment glamour et séduisant, à l'instar de l'héroïne. Nous sommes fascinés par cette force de caractère, cette puissance de volonté, bien que ce soit une meurtrière et une criminelle sans pitié. En même temps, elle prend fait et cause pour les membres de sa communauté perpétuellement en butte au racisme, à l'injustice de la ségrégation. Elle s'engage au côté de membres éminents dans la lutte pour l'égalité des droits, pour les plus faibles tels W. E. B. Du Bois, Lanston Hughes.... Courtisée par les uns, haïe et menacée par d'autres, trahie par les siens, les raisons intimes des choix qu'a fait la jeune Stéphanie ne nous sont révélées que dans un final particulièrement touchant.


Une Femme hurlant sa fureur, sa peine, qui prend ainsi la parole pour toutes celles qui furent contraintes au silence et à l'obéissance. Une Femme moderne, indomptable, imprévisible, droite face au destin et levant haut la flamme de Sa liberté.


Un roman d'une grande beauté, un texte magnifique dont la musique nous envoûte tel un morceau de Duke Ellington, un solo de Louis Armstrong ou un titre de Billie Holiday. La nostalgie de ces années de Renaissance de Harlem, de bouillonnement intellectuel et artistique nous prend, Magic !

Quatrième de couverture

Stéphanie Saint-Clair a 26 ans lorsqu'elle débarque à New York et s'installe dans le quartier le plus misérable de la ville : Harlem. Quelques années plus tard, elle devient « la princesse », « la big boss » des loteries clandestines et fait fortune dans le crime.
A travers les aventures de son héroïne, Éric Yung nous entraine dans les bas-fonds de New-York à une époque où, à peine sortie de la prohibition, les familles italiennes, après avoir détrôné les clans et les gangs Irlandais, juifs et Hollandais, ont érigé le pouvoir mafieux, à travers le syndicat du crime, en une authentique institution, organisation violente et implacable régissant les règles et lois du « milieu ». C'est dans cette société que « La princesse », détentrice d'un secret personnel qui nourrit tout le roman, deviendra la première dame d'un quartier à la fois embrasé par les émeutes et régénéré par un formidable mouvement d'artistes et d'intellectuels qui contribuera à ce qui a été appelé « La renaissance de Harlem ».

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