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Éva a lu pour vous ..

Chroniques littéraires

Eugenia

Lionel Duroy

Julliard

2018

487 pages

Historique

Chronique

18 mars 2019

Prix Anaïs Nin 2019

Avertissement : la peste brune est toujours là !


Incroyable, je choisis de lire ce roman vital au moment même où, écoeurée par l'ignorance coupable et la bêtise de certains se réjouissant de la parution d'un premier livre par une excroissance, sous un autre nom, d'une maison d'édition connue pour son catalogue nauséabond, j'envisageais sérieusement de jeter l'éponge devant tant de laideur, de saleté. Eugenia m'a en quelque sorte rappelée à l'ordre. Mais, après une nuit blanche, encore dans la douleur indispensable de la lecture de ce livre, mêlant adroitement faits historiques et fiction, je me dis que la bataille contre le mal et l'obscurité commence par la rédaction de ce retour.


Je me suis beaucoup retrouvée dans cette jeune femme sur bien des aspects, pas d'antisémitisme de base dès le biberon, mais d'autres valeurs familiales dont il a fallu me défaire après un sérieux ménage psychologique. Nous assistons ici, en Roumanie, comme partout en Europe, aux ravages d'une haine contre nature du juif, sans justification, que des raisons hallucinantes véhiculées depuis des siècles dans tout l'Occident.


Difficile de comprendre, d'envisager que l'on ait pu croire en de telles choses, quelque soit d'ailleurs le niveau d'instruction. De l'insulte banale, journalière, au passage à la violence physique puis aux meurtres et aux massacres de masse, Lionel Duroy, brosse une fresque épouvantable où l'horreur indicible prend toute la place, où l'improbable, l'exceptionnel devient inéluctable.


Aujourd'hui, encore, cela recommence en France et partout, s'accompagnant de toutes les autres haines possibles, un cortège macabre qui revient inlassablement.


Des questions fondamentales sont posées ici par le biais de Eugenia à sa famille, à son amant Mihail Sebastian, au peuple roumain, aux habitants de Jassy.

Pourquoi cet antisémitisme viscéral, pourquoi ce rejet des juifs de nationalité roumaine hors du pays, pourquoi leur déniet-on cette nationalité alors même qu'un bon nombre se sont battus pour la patrie en 1917, pourquoi les juifs ne se révoltent-ils pas, vont à l'abattoir pour certains comme si c'était leur destin, inévitable, pourquoi ce fatalisme ? Plus que tout, comment des habitants de Jassy ou de Bucarest, ont-ils pu soudain se transformer en bourreaux à coups de barres de fer, de haches, de toutes armes sous leurs mains ? Comment ont-ils pu massacrer leurs voisins juifs, croisés tous les jours pendant des années ?


Terrorisante quête pour Eugenia que d'essayer d'obtenir des réponses d'un peuple et d'une famille qui joueront ensuite la carte du déni, de comprendre l'origine du Mal. Un pogrom, quel pogrom ? La figure de Malaparte est extraordinaire tout en ambiguïté.


Une envie de hurler ne m'a pas quitté, je dois dire, que ce soit face à l'immobilisme du romancier et dramaturge Mihail Sebastian, incapable de s'imaginer ailleurs qu'en Roumanie, restant là donc comme une chèvre à son piquet, de l'ignominie de cette époque, du nazisme, mais surtout parce que certains symptômes annonçant la catastrophe me sont apparus très actuels.

L'auteur dresse le portrait de la Roumanie, de personnages célèbres de ces années de chaos, et avant tout de Mihail Sebastian, en tissant une toile faite de ses mots et d'extraits des romans et pièces de théâtre de l'écrivain.


Au commencement, nous sommes le 29 mai 1945, la veille Mihail est mort renversé par un camion. Eugenia apprend la nouvelle par son frère. Doucement, grâce à ses souvenirs et le journal de son amant, elle va retracer pour nous tout le chemin parcouru ces dernières années, afin que jamais on n'oublie. On découvre ainsi une femme étonnante, capable d'aller au bout de ses propres limites, de sa propre morale, de sa propre violence, avant de trouver une forme de rédemption. La Roumanie va payer très cher son allégeance à Hitler, la fin du conflit marquera le début d'un effroyable cauchemar.


Un livre vibrant, puissant, essentiel quant à la narration de l'intérieur, de ce qui se passa en Roumanie avant et pendant la guerre. Une alerte à ne pas négliger, surtout pas. Une voix qui s'élève à nouveau à travers les années, puisqu'il semble que nous ne comprenions pas.

À toutes les victimes, aux justes !

Quatrième de couverture

À la fin des années trente, parce qu'elle est tombée sous le charme d'un romancier d'origine juive, Eugenia, une jeune et brillante étudiante roumaine, prend soudain conscience de la vague de haine antisémite qui se répand dans son pays.
Peu à peu, la société entière semble frappée par cette gangrène morale, y compris certains membres de sa propre famille. Comment résister, lutter, témoigner, quand tout le monde autour de soi semble hypnotisé par la tentation de la barbarie ?

Avec pour toile de fond l'ascension du fascisme européen, ce roman foisonnant revient sur un épisode méconnu de la Seconde Guerre mondiale, l'effroyable pogrom de Jassy.
Portrait d'une femme libre, animée par le besoin insatiable de comprendre l'origine du mal, ce livre est aussi une mise en garde contre le retour des heures les plus sombres de l'Histoire

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