Éva a lu pour vous ..
Chroniques littéraires
Emportée
Paule Du Bouchet
Editions des Femmes Antoinette Fouque Bibliothèque des voix
6 mai 2021
Lu par Isabelle Carré
Biographie
Chronique
7 août 2021
5:11 d'enregistrement.
Emportée, 2020 édition augmentée, des femmes-Antoinette Fouque ; 2011, première édition, Actes Sud.
Faustine de Monès soprano, ( petite fille de Tina Jolas), Antoine Palloc pianiste, Clément Mao-Takacs chef d'orchestre.
Captation en novembre 2020. Réalisation de Francesca Isidori :
C'est d'abord une petite fille devenue femme artiste, de conviction, passeuse de lumière et de beauté, qui s'exprime dans la première partie, une adulte qui se remet à sa taille d'enfant, qui lève les yeux sur sa maman si belle, si extraordinaire, si insaisissable, si amoureuse, passionnée, envoûtée, partie si loin dans les sphères de la poésie, si dévouée à un homme, René Char, que plus rien n'est véritablement important, en dehors de lui omniprésent puis traître, puis marié à une autre, déloyal. La petite Paule souffre de l'absence de sa mère alors même qu'elle est là, devant elle. Elle jalouse cet amant qui fit disparaître en coulisse le père André du Bouchet. Elle souffre par cette mère maraboutée, inapte à l'écouter, la voir, incapable de se libérer de cette emprise, de retrouver sa liberté. Elle ne respire, voit, parle qu'à travers son homme. Une relation malsaine d'une certaine façon, qui n'enrichit pas à égalité les deux protagonistes, ne les fait pas évoluer, grandir en regardant dans la même direction, qui évidemment est vouée à l'échec : mensonge, fuite, mariage en secret de monsieur, cela n'est pas glorieux, n'est pas à la hauteur de l'Amour imaginé par Tina.
Que peut ressentir la jeune Paule, emportée malgré elle dans une histoire d'adultes qui la dépasse ? Solitude, loyauté et amour pour une mère qu'elle ne comprend pas, qu'elle adore, après laquelle elle court en vain.
La voix d'Isabelle Carré, aux harmoniques aiguës, pure et tremblante, convient à cette enfant puis cette jeune fille, en déséquilibre émotionnel, qui ne sait où se mettre, qui bascule entre haine pour René Char, le voleur de mère, et désespoir amoureux terrifiant, immense face à cette maman absente, ensorcelée.
Puis suivent quelques lettres échangée entre Tina Jolas et son amie Carmen Meyer, permettant de découvrir la version de l'amoureuse et celle d'une autre femme, spectatrice de cette relation passionnée, irraisonnée, dévorante et enfin dramatique de Tina et René. Nous sommes au centre, dans l'intime de cette amante qui pendant trente ans reste la compagne de René Char.
Une femme qui s'oublie, choisit l'ombre pour laisser dans la lumière le grand homme.
On comprend mieux pourquoi Paule du Bouchet choisit d'écrire des romans et albums pour les enfants, elle-même n'étant certainement pas tout à fait guérie de ses jeunes années, mais ayant la force de résilience nécessaire afin de transformer le désespoir de l'époque en beauté. Le témoin est passé merveilleusement puisque Faustine de Monès, soprano, petite fille de Tina reprend le flambeau. Vous la découvrez ici dans une mélodie de Gabriel Fauré, " Au bord de l'eau" et l'air " Chi il bel sogno di Doretta" extrait de La Rondine de Giacomo Puccini.
Si Tina fut emportée par les tumultes de la passion amoureuse, sa fille par ceux du chagrin, Faustine par sa voix vous emportera, transcendant, grâce à la musique et l'interprétation des poèmes et livrets, les sentiments les plus contrastés en harmonie et poésie. Sérénité retrouvée !