Éva a lu pour vous ..
Chroniques littéraires
Emma dans la nuit
Wendy Walker
Sonatine
Il y a peu
302 pages traduites par Karine Lalechère
Thriller
Chronique
27 mai 2018
Magistral ! Je pourrais m'arrêter là ... Mais je vais développer tout en souhaitant ne pas vous mettre mal à l'aise. Si j'avais eu le talent de cette conteuse, avec l'enfance qui fut la mienne, ce livre serait le mien. Et en quelques sortes, il l'est.
J'ai évidemment, scotchée par certains détails ou analyses des plus justes, vérifié immédiatement que l'auteure n'était pas psy ou ancienne victime. Mais non ! C'est formidable lorsqu'on tombe sur une écrivaine qui a fait tout son travail de recherche solidement, qui en outre est dotée d'une empathie folle. J'ai eu l'impression qu'elle était un peu dans ma tête.
Ce livre emprunté à la bibliothèque Aimé Césaire, Paris 14e, je vais l'acheter dès que je le pourrai. Tout est là, parfait. En plus le thriller sur le plan pur du suspense et de la construction est une belle réussite.
Cassandre Tanner, la narratrice de dix huit ans, est donc la fille d'une femme atteinte d'un trouble de la personnalité narcissique caractérisé, qu'elle appelle Mme Martin, aïe, déjà cela présage du pire. Mais mérite-t'elle un nom ? Elle revient chez sa mère Judy et son beau père Jonathan, trois ans après sa disparition dans la nuit avec sa grande sœur Emma.
Ce dossier a littéralement gâché la vie de la psychiatre du FBI qui suivait cette affaire, le Dr Abigail Winter. Celle-ci déjà à l'époque, avec le flair qui caractérise les enfants maltraités, repère en la mère une pure narcissique ( ne pas confondre avec pervers narcissique svp, cas extrêmement rares). Cependant elle a gardé le silence sachant que tous douteraient de son impartialité compte tenu de son passif. Tout, sauf être soupçonnée de faire un transfert.
En fait, la famille recomposée apparaît définitivement dysfonctionnelle et toxique.
La jeune fille commence alors à raconter son histoire, Abi doute de cette version. Le jeu de miroirs va éclater peu à peu, les apparences trompeuses vont fondre devant la pureté de la vérité. La personnalité de Cass au nom prédestiné est troublante ; que cherche-t-elle vraiment ? Quel but poursuit-elle ? Qui est la proie ou le bourreau ?
Il va falloir à Abigail toute sa persévérance et une sacrée confiance en son instinct, en son sixième sens, pour résoudre le mystère entourant la disparition des sœurs. Mais où est Emma ?Le mal qui semble habiter la mère est il un boulet transmis de génération en génération ? Est-il en Cass ? Était-il en Emma la séductrice manipulatrice ?
Je le répète, remarquable de justesse, j'ai souri à certaines évocations d'incidents plus ou moins graves au sein de ce nid de scorpions, que de souvenirs ! J'ai ri de l'intelligence de Cassandre, de son sens de la stratégie, toujours en analyse des comportements, ne se laissant pas piéger par des manœuvres perverses si peu originales.J'ai aussi pleuré intérieurement pour tous les enfants, les fratries qui furent, sont et seront concernés par cette pathologie.
Très sombre et puissant, ce thriller psychologique, essentiel, car il s'attaque au tabou du mal amour maternel, rend très bien le sentiment de risque, de peur, de l'attente du drame, de l'explosion, de la mort qui enserre le cœur des fillettes. Oui, on devient une vigie, on apprend à switcher sur on/off, on reste en éveil pour voir surgir la moindre lumière vers la sortie, la plus infime chance de se sauver. Mais surtout, on met tout en œuvre inconsciemment ou non, afin de préserver quoiqu'il arrive sa part d'humanité, son essence pure de toute saleté.
On s'en remet en fuyant au plus vite et en demandant de l'aide, je vous rassure. Est-ce la solution que choisira Cassandre ? Quelle figure est-elle dans cette partie d'échecs ? Page 251 : description détaillée de cette pathologie.