Éva a lu pour vous ..
Chroniques littéraires
Darwin Le dernier chapitre
Michel Moatti
Hervé Chopin Editions
4 avril 2024
462 pages
Polar historique
Chronique
4 avril 2024
"L'écrivain et journaliste Michel Moatti propose une plongée fascinante dans le monde de la science avec son nouveau polar historique Darwin, le dernier chapitre."
"L'histoire de la maladie de Darwin ressemble à un roman policier dont il nous manque le dernier chapitre."
Pr Keith Thomson, Université d'Oxford
Imaginez-vous au Muséum National d'Histoire Naturelle dans le 5 ème arrondissement de Paris. Vous êtes entouré de spécimens fabuleux dans des vitrines sous une verrière magnifique, vous tournez sur vous-même émerveillé, vous fermez les yeux.
Doucement, vous ressentez des secousses légères qui remontent peu à peu le long de vos jambes. Le plancher entier se met à bouger, les vitres et fenêtres disparaissent, une brise pénètre dans les lieux puis le claquement d'une voile au vent se fait entendre alors que le sol se met à tanguer sous vos pieds.....
Vous voici emporté dans un voyage extraordinaire, les mouettes crient autour de vous, la houle est de plus en plus forte, vous ouvrez les yeux et voyez des hommes courir, grimper aux mâts, arpenter le pont d'un navire, le HMS Beagle. Le capitaine, un certain Robert Fitzroy, donne ses ordres d'une voix forte et autoritaire, des officiers, deux hommes et une femme indigènes sont là aussi, une foule de marins, un ecclésiastique, un chirurgien, un artiste peintre.
Un tas de malles et boîtes en bois gênent le passage et soudain il est là, notre héros, celui qui nous a tant impressionné par son génie, son imagination, sa rigueur scientifique, sa vision : Charles Darwin.
Mais attention, oubliez ses portraits habituels lorsqu'il est déjà âgé. Non, le voici jeune, vaillant, enthousiaste, prêt à se lancer dans cette aventure, un tour du monde ! Il est engagé comme naturaliste. Le voici enfin sur le terrain et non plus à l'université de Cambridge. Recommandé par le Pr John Stevens Henslow, il a eu l'heur de plaire au capitaine et le voilà à l'orée d'une nouvelle vie, au tournant essentiel de toute une existence. Nous sommes en 1831.
Le HMS Beagle fut commandé par un capitaine dont le fantôme hante encore les lieux et la mémoire des membres de l'équipage. Le mystère plane déjà sur le vaisseau... Le voyage entrepris durera cinq ans. Départ de Plymouth direction Bahia, Rio de Janeiro, jusqu'au Cap Horn, puis la Terre de Feu, Valparaiso, Lima, Les Galapagos, Tahiti, Sydney, l'Île Maurice, le Cap de Bonne-Espérance, Sainte Hélène, et retour sur Plymouth.
Un sacré périple que Michel Moatti nous conte avec un luxe de détails, nous faisant toucher du doigt ce que la vie en vase clos à bord d'un navire représentait en ce début du XIXe siècle corseté, où l'homme blanc croit en la supériorité de sa civilisation sur toute autre culture indigène jugée sauvage. La Grande Bretagne se jette dans la révolution industrielle et une course à l'enrichissement des plus nantis par l'exploitation des classes laborieuses et des colonisés.
La mondialisation est en marche, les distances s'amenuisent, les vaisseaux sillonnent les mers et océans avec à leurs bords des scientifiques, naturalistes, cartographes, dessinateurs, hommes d'église, prêts à apporter leur soutien à la conquête de la planète.
Darwin, lui, veut comprendre, découvrir, imaginer. Il est curieux, doué d'une intelligence singulière, ouvert à toute vérité étrangère, prêt à revoir les principes qu'on lui a inculqués.
Son attitude ne plaît pas à tous les membres de l'équipage, en premier lieu au docteur Robert McCormick, chirurgien et officiellement naturaliste du bord qui n'accepte donc pas la présence du jeune et infatué Darwin, et évidemment Thomas Wilberforce, chapelain engagé pour servir de guide spirituel aux trois Fuégiens que l'on ramène chez eux en Terre de Feu.
Le cartographe Morgan Moss est notre guide. En juin 1865, il revient sur les circonstances mystérieuses du voyage de Charles Darwin, alors âgé de 23 ans, à bord du HMS Beagle. Il s'appuie sur deux carnets de notes : "Carnet Moss" qu'il a rédigé et le "Carnet C" écrit par le naturaliste et tombé entre ses mains par le plus heureux des hasards.
L'aventure en elle-même, qui a inspiré à notre naturaliste et théoricien de l'évolution les publications de "Le voyage du Beagle" en 1839 et de " L'Origine des espèces" en 1859, est déjà hors du commun et méritait certes un roman de haut vol.
Michel Moatti nous l'offre mais y ajoute un ingrédient bien surprenant et intriguant : Charles Darwin souffrit d'un mal étrange pendant tout ce voyage au bout du monde. Il fut bien des fois au bord de mourir tant il avait de fièvre et mal, tant il délirait. Épuisé, à bout de force, il désespèrait de comprendre ce qui lui arrivait. Et si ? Et si les théories et les idées lancées par ce révolutionnaire en herbe gênaient ? Ou, y avait-il un problème avec la nourriture, l'eau ? Etait-ce une épidémie ou bien une malédiction jetée sur le navire depuis la mort de son ancien capitaine ?
"Darwin le dernier chapitre", roman foisonnant , humaniste, curieux, exaltant, somptueux, nous ouvre des horizons larges et, en même temps, nous piège dans un polar historique original et angoissant sous forme de huis clos.
Le dépaysement est total, la peur réelle...
Que de dangers ont dû affronter nos prédécesseurs afin de nous permettre de comprendre et admirer le monde dans sa toute beauté !
Merci à Michel Moatti pour sa confiance et aux Éditions Hervé Chopin pour la communication de ce prodigieux ouvrage illustré.