
Éva a lu pour vous ..
Chroniques littéraires
Dans les yeux de Méduse
Natalie Haynes
Michel Lafon
Le 25 avril 2024
368 pages traduites par Manon Malais
mythologie
Chronique
8 décembre 2024

" Brillant, passionné, implacable. " Margaret Atwood, autrice de La Servante écarlate
Depuis quelques années, nous voyons paraître ce type d'ouvrage s'attachant à une figure de la mythologie grecque ou de l'Histoire antique : ainsi j'ai lu et chroniqué "Perséphone" de Benjamin Carteret, exceptionnel, "Le silence des vaincues" et "Les exilées de Troie" de Pat Barker, fabuleux récits de la Guerre de Troie par les yeux de Briséis. Somptueux textes s'inscrivant dans une révolution mondiale consistant à reprendre notre copie et à narrer l'Histoire de l'humanité sans oublier la moitié de celle-ci, c'est à dire les femmes.
Peut-être parce que je me plongeais dans ce texte après les autres donc sans l'émerveillement de la découverte d'un nouveau type de récit, j'ai été moins séduite par ce roman. Cependant, je réalise que ce dernier m'a appris énormément de choses et que finalement les pièces du puzzle se sont mises parfaitement en place, avec brio.
Il m'a été difficile de suivre le fil tortueux de ce scénario, bien qu'heureusement l'autrice nous ait donné, au tout début, la liste des acteurs de cette tragédie légendaire.
Ainsi, mettons-nous nos pas dans ceux de plusieurs personnages concernés par la célèbre gorgone :
- Évidemment Méduse elle-même, son histoire, sa fin, son destin.
- Persée, son exécuteur, son parcours depuis sa naissance jusqu'à son crime et les conséquences de celui-ci.
- Andromède, princesse d'Éthiopie, future épouse de Persée.
- Athéna, déesse de la guerre et fille de Zeus.
Et puis un narrateur très particulier intervient également, régulièrement, du nom mystérieux de Gorgonéion.
" Je vous vois. Je vois tous ceux et celles que les hommes traitent de monstres.
Et je vois les hommes qui les appellent ainsi. Eux-mêmes se considèrent comme des héros, naturellement.
Je ne les vois qu'un bref instant avant qu'ils disparaissent.
Mais cela suffit. Cela me suffit pour comprendre que la générosité, le courage et la loyauté ne sont pas l'apanage des héros. Parfois - pas toujours, mais parfois, oui - le héros est monstrueux.
Et le monstre ? Qui est-elle donc ? Quelqu'un qu'on n'a pas pu sauver.
Ce monstre-là se fait agresser, violenter, diffamer. Et pourtant, dans l'histoire telle qu'on la raconte toujours, c'est elle qui faut craindre. C'est elle qui est monstrueuse.
Nous verrons cela."
Tout est dit dans cette introduction : Gorgonéion va déconstruire tout le récit que l'on nous a inculqué, un récit empreint d'une misogynie folle, et redonner à chacun le rôle et le titre qu'il mérite.
Méduse était-elle si monstrueuse, et pourquoi présentait-elle cet aspect ? Que lui est-il réellement arrivé ? Ne serait-elle pas plutôt un jouet, comme tous les humain et les femmes en particulier, des dieux ?
Persée est-il le héros décrit dans les textes mythologiques, ou un demi-dieu porteur des gènes de la violence, narcissique, finalement un vil tueur en série ?
Et Athéna qui s'ennuie tant, si méprisante et méprisable, qui joue avec le destin des humains comme une sale gosse avec des poupées qu'elle martyrise, n'est elle pas également monstrueuse ?
Aller au-delà des apparences, au-delà de la version traditionnelle qui nous est apprise depuis l'école, loin des clichés dépassés des superproductions hollywoodiennes, voici le propos de cet ouvrage dont la fin est très belle.
L'humour est aussi un puissant moteur de cette narration.
Mais enfin ? Qui est Gorgonéion ?
