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Éva a lu pour vous ..

Chroniques littéraires

Dans l'épaisseur de la chair

Jean-Marie Blas de Roblès

Zulma

2017

384 pages

Roman

Chronique

24 juillet 2018

« Les morts sont bien morts. Qu'ils reposent en paix dans les deux camps. Au crépuscule de la dernière bataille, la sinistre comptabilité de la guerre finira, quoi qu'il arrive, à l'équilibre. Une fois reconnu l'arbitraire injustifiable de la colonisation de l'Algérie et recensées les atrocités qu'elle a produites, à quoi peut bien servir de remâcher ? Ni la mémoire ni l'oubli ne sauraient combler les ravines du désespoir creusées de part et d'autre par ce torrent. Mais si tout un peuple a eu raison de se lever contre l'occupation française, le temps est peut-être venu d'accepter cette évidence que des hommes transplantés par la misère dans un pays qui n'était pas le leur l'ont fait fructifier et l'ont aimé avec la même rage que ceux qui s'y trouvaient déjà. »


Histoire d'un exil, d'un déracinement entrepris à la fin du XIX ème siècle par les grands parents, afin de ne plus crever de faim, d'Espagne à l'Algérie, longue lutte pour s'y faire une place, moments de vies cocasses, tendres, tragiques, humains en un mot, fierté du père devenu chirurgien, enrôlement à vingt ans pour se battre avec les bataillons d'Afrique du Nord en Italie puis en France contre l'Allemagne, début de l'indicible guerre d'indépendance, des massacres, de l'horreur encore, de la trahison et du rejet de tous, de la traversée vers la France inhospitalière, de la lutte encore et toujours pour s'y acclimater, y refaire à nouveau sa place, y élever ses enfants qui sont eux français et se souviennent peu du pays perdu...


Histoire d'un fils en quête de son père, un fils qui " cherche à faire sienne la blessure paternelle, pour coïncider avec elle dans l'épaisseur de la chair : parce qu'il s'agit d'abord d'entrailles et de terre rouge, d'ivresse de vivre, d'embrasement de l'âme sous la lumière d'un plein été."


" Toi de toute façon, tu n'as jamais été un vrai pied-noir !" Réflexion maladroite à la fin d'un dîner de Manuel Cortés à son fils venu fêter Noël chez ses parents dans le sud avec ses trois jeunes fils.


Un couperet, une gifle ! Qu'est-ce à dire ? En quoi ne serait-il pas un vrai pied-noir ? Bouleversé au petit matin, Thomas a besoin de se retrouver, de comprendre et s'en va seul pêcher en Méditerranée. Mauvaise manipulation, il se retrouve à l'eau et est incapable de remonter à bord du bateau de son père, symbole puissant de la relation d'amour tumultueux entre les deux hommes.


Commence une longue attente.... dans l'eau de plus en plus froide, peu à peu son esprit divague et retourne évidemment vers cette figure paternelle et son histoire familiale du XIX ème siècle à nos jours. Un récit entrecoupé de moments d'inquiétude quant à situation actuelle périlleuse mais aussi par rapport à son positionnement vis à vis de cette Saga.


Pas facile d'être fils de....encore moins quand le destin parental a été si dramatiquement lié à l'Histoire et aux décisions arbitraires de certains.


Pour nous, un témoignage bouleversant et une remise en couleurs de vieux films en noir et blanc qui sont aussi notre patrimoine commun.

Une histoire intime et universelle, un père et son fils, un homme et sa Terre de cœur, une compréhension de l'autre au-delà de la simple empathie, jusqu'à se fondre totalement dans sa psyché, dans sa chair.


Ne faire plus qu'un, comprendre enfin son père, son passé, être son enfant mais aussi son ami. Passer à l'âge adulte pour l'aider à cicatriser un peu, au mieux...


La puissance et la beauté d'une langue française admirable, précise, variée, musicale. Un chant d'amour magnifique !

Quatrième de couverture

C’est l’histoire de ce qui se passe dans l’esprit d’un homme. Ou le roman vrai de Manuel Cortès, rêvé par son fils – avec le perroquet Heidegger en trublion narquois de sa conscience agitée. Manuel Cortès dont la vie pourrait se résumer ainsi : fils d’immigrés espagnols tenant bistrot dans la ville de garnison de Sidi-Bel-Abbès, en Algérie, devenu chirurgien, engagé volontaire aux côtés des Alliés en 1942, accessoirement sosie de l’acteur Tyrone Power – détail qui peut avoir son importance auprès des dames…
Et puis il y a tous ces petits faits vrais de la mythologie familiale, les rituels du pêcheur solitaire, les heures terribles du départ dans l’urgence, et celles, non moins douloureuses, de l’arrivée sur l’autre rive de la Méditerranée.
Dans l’épaisseur de la chair est un roman ambitieux, émouvant, admirable – et qui nous dévoile tout un pan de l’histoire de l’Algérie. Une histoire vue par le prisme de l’amour d’un fils pour son père.

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