
Éva a lu pour vous ..
Chroniques littéraires
Délivrance de la mer
Xavière Gauthier
des femmes Antoinette Fouque
Le 20 février 2025
144 pages
roman
Chronique
20 février 2025

"Toute lune est atroce et tout soleil amer... Ô que ma quille éclate... Ô que j'aille à la mer."
"Il n'y avait personne à la maison à cette heure-ci. Pas âme qui vive. Tous à leurs tâches. J'ai laissé la vaisselle sale dans l'évier. Là-haut, le cahier d'écolière. Le stylo-plume. Je serai un Rimbaud femelle."
Mais avant cela, la jeune fille révoltée, en fureur, qu'est Agathe, doit impérativement fuir. Fuir cette mer insupportable dont l'odeur et le va-et-vient incessant, lui donnent la nausée, la répugnent. Tout lui fait horreur dans ce village de pêcheurs. Frappée par "Le Bateau ivre" de Rimbaud découvert grâce à son ancienne institutrice, Madame Legagneux, notre révoltée sait qu'elle doit partir, s'éloigner de la mer et de la mère, cette génitrice de famille nombreuse, piaillante, envahissante dont Aimée, la petite bossue, symbolise toute "l'anormalité".
Être femme de pêcheur ? Jamais !
Être esclave des marées, des vagues, des dangers océaniques ? Il n'en est pas question !
Vivre dans un hameau où tout le monde sait tout sur vous ou colporte des horreurs, des mensonges ? Ou une réputation est vite mise à mal ? Plutôt mourir !
Et tout comme le poète "maudit", Agathe, profitant d'un événement qui la salit irrémédiablement, injustement, part pour s'oublier, franchir les limites imposées, s'immerger dans une ivresse alcoolique, sensuelle, sexuelle à Paris. Griserie dangereuse, venimeuse, brumeuse d'une jeune fille en rupture de tout et surtout d'elle-même.
Une chute peut-elle mener à une renaissance ? L'adolescente en passe de devenir adulte réussira-t-elle à traverser cette période de mutation sans dommage ? Sa famille l'a-t-elle condamnée, oubliée ? Un retour à cette mer, à cette mère, est-il envisageable ?
Histoire charnelle d'une métamorphose, celle d'une exploratrice à bord d'un navire sans boussole, dont la hargne et la fureur semblent infinies...
Un texte iodé comme le sont les larmes, le vent au bout de la terre, l'eau régénératrice et maternelle :
"Plénitude de l'écriture océane, immersion. J'écrirai salé, liquide. La mer me joint, m'entoure, me colmate et me déverse. La mer me délivre et j'explose. L'eau qui était noyade est envol."
Naissance d'une écrivaine de l'onde, poétique.