Éva a lu pour vous ..
Chroniques littéraires
Coupable
Jacques-Olivier Bosco dit JOB
Robert Laffont La Bête Noire
2018
378 pages
Thriller
Chronique
10 mai 2017
« La soif d'amour aspire à être assouvie, les larmes cherchent des larmes qui leur répondent. » Leonid Andreiev, Sachka Jegouliov ( Jour de colère)
Après le premier tome "Brutale" paru et chroniqué en 2017, j'ai eu beaucoup de plaisir à retrouver la lieutenante Anne-Lise Lartéguy, travaillant dans les locaux succédant au 36 quai des Orfèvres, dans les bâtiments du Bastion aux Batignolles, avec sa cheffe Brigitte Lancier, et Paulette Slawy dite Paupiette. Une équipe de femmes efficaces et tenaces, très attachantes. C'est amusant comme dans ce livre, les gangs ou groupes de filles sont des éléments récurrents tout au long de la courte vie de Lise. C'est notable également ce pouvoir presque matriarcal donné aux femmes par l'auteur.
" Inapte à la vie en communauté [...] possibilité de schizophrénie [...] impulsive et asociale [...] agressive dans son rapport à l'autorité [...] susceptible d'actes de violence non contrôlés [...] demande d'encadrement, de fichage et d'éloignement [...] pour son propre bien et celui d'autrui [...]" Quelques lignes extraites d'un rapport psychologique qui changent toute une destinée.
Au tout début, nous sommes dans les années 2000, deux filles se sont échappées d'une pension psychiatrique pour jeunes délinquantes en rupture avec la société : Linda et Lise.
De nos jours :
Depuis huit mois après la dernière grosse affaire racontée dans "Brutale", ( une aparté : je trouve dommage de redonner autant de détails sur la résolution de ce 1er tome en début de celui-ci....plus de flou artistique me semblerait judicieux pour que ceux qui lisent d'abord cet opus aient envie de lire le précèdent.... un peu plus cloisonner chaque intrigue serait préférable à mon humble avis), un gros changement est intervenu dans l'existence de notre héroïne : elle est amoureuse de Solveig une infirmière rencontrée lors de sa dernière hospitalisation psy.
Pour elle, Lise a fait taire la Bête en elle : celle qui auparavant lors d'opérations punitives sur des pourritures passées à travers les mailles de la justice, dans une décharge hallucinée de haine et d'envie de détruire incontrôlable, lui permettait d'anéantir dans le sang et sous shoot insensé d'adrénaline en fusion, tous ses déchets de la société. Son père également flic, sous la dénomination de La Méthode, n'avait trouvé que ce moyen pour canaliser la violence de sa petite fille de huit ans revenue irrémédiablement changée après trois jours en Espagne avec Maria sa mère, pour devenir à l'âge adulte ce monstre de méchanceté gratuite et incompréhensible.
Cependant cela devient très difficile de se maîtriser, elle commence à craquer, à bouillir littéralement. Solveig le sent, le couple en pâtit.
Lise est appelée sur une scène de crime, deux victimes retrouvées avec les paupières découpées au scalpel. Un message " puisqu'il faut choisir" gifle la lieutenante. Flashback indésirable, envie de se défouler, et le faux pas sous forme de baston sur un voisin de l'immeuble des suppliciées... d'où convocation chez Pierre Boisfeuras, son supérieur et son parrain, qui la protège depuis la mort de son ami et collègue Paul Lartéguy. Seulement cette fois, elle a dépassé les limites.
Au fond d'elle, la Bête se réveille et gronde, elle se fond dans la nuit pour frapper. Le lendemain Pierre Boisfeuras est retrouvé assassiné dans un quartier chaud, non loin de l'endroit où elle s'est réveillée couverte de sang. Est-elle COUPABLE ?
Qu'y a t'il dans le passé de Pierre, Paul ou Lise qui explique ces morts et celles qui suivront ? Que s'est-il déroulé en Espagne puis après la fugue de 2000 ? À quoi ont été confronté les deux hommes lors de leurs enquêtes de 1990 ? Enfin aurons-nous des réponses à toutes nos questions soulevées depuis "Brutale" ?
Toujours aussi rapide et cinématographique à la Tarentino, un personnage central en permanence sur le fil du rasoir basculant entre plusieurs dimensions, une urgence à enfin savoir la vérité. Ce thriller pose aussi la problématique, en ces temps de plus en plus violents, où certains s'en sortent toujours malgré le mal à leur actif, de l'inefficacité d'une justice incapable de s'adapter aux méthodes du diable et ses sbires. La Méthode expéditive décrite dans ce récit je l'avoue me séduit beaucoup, en partie, moi qui quelques fois aurais souhaité en terminer en appliquant un bon coup de massue digne d'une femme préhistorique. La civilisation est-elle si civilisée, qui ajoute à la douleur des victimes, la double peine d'une attente insupportable d'une sentence leur rendant justice trop rarement ?
Sommes-nous réellement dans un État de droit où chacun est égal et peut prétendre à une réparation ?
Enfin les brûlures du passé se rappellent-elles obligatoirement toute notre vie, n'est-ce pas là une excuse un peu facile au passage à l'acte ?
À vous d'en juger...