
Éva a lu pour vous ..
Chroniques littéraires
Conte crépusculaire
Stefan Zweig
de l'Aube
Le 31 mai 2024
96 pages traduites par Alzir Hella.
Nouvelle
Chronique
30 novembre 2024

Conte crépusculaire est suivi de La ruelle au clair de lune, parution dans la collection Mikrós classique dirigée par Julie Maillard.
Précisions :
"Conte crépusculaire" a été initialement publié dans le recueil Brûlant secret en 1911 et "La ruelle au clair de lune" dans le recueil Amok en 1922.
Deux très beaux textes parfaitement servis par la magnifique traduction de Alzir Hella. Deux histoires extrêmement sombres et angoissantes, ou amour rime avec rendez-vous manqué, ou fantasmes et mensonges sont préférés à la vérité. Le déni est omniprésent proche d'une certaine forme de folie.
Stefan Zweig n'ignore rien des tourments de l'âme. Ses personnages se précipitent eux-mêmes dans le malheur, peut-être s'y complaisent, rendent tortueux les chemins qu'ils choisissent de prendre, comme autodéterminés à échouer, à rendre l'existence insupportable. La noirceur environnante semble vouloir tout engloutir. On ne sort pas indemne de la plongée dans ce double cauchemar.
Le tout pourrait être désespérant s'il n'y avait la splendeur du style littéraire de l'auteur, la merveilleuse musique de ces mots, de ces pages.
Le poids inéluctable du destin interdit aux deux héros de pouvoir décider de leur avenir... le veulent-ils d'ailleurs ?
Les deux destinées tragiques sont rapportées par un narrateur, l'un sous forme de conte terrifiant, l'autre comme un souvenir terrible. L'impossibilité à exprimer clairement leurs sentiments ou à prendre conscience de ce qu'ils savent au plus profond d'eux, condamne l'adolescent transi de passion pour la mauvaise personne dans la première nouvelle, ou le mari repoussé par son épouse dans la seconde, à gâcher leur vie, à commettre même l'irréparable. Aucune issue de secours, aucune échappatoire, pour l'un comme pour l'autre. Les narrateurs, également, font preuve de lâcheté et d'aveuglement volontaire.
On sort de cette lecture certain d'avoir eu la chance de découvrir deux chefs-d'œuvre d'une beauté venimeuse et ténébreuse.