
Éva a lu pour vous ..
Chroniques littéraires
Cet infini passé toujours présent
Jacqueline Lang
Laurence Massaro
20 janvier 2015
190 pages illustrées
témoignage
Chronique
27 juillet 2024

Sous titre : Témoignage d'une jeune femme sous l'occupation
Paru aux Éditions Laurence Massaro dans la collection Mémoires à vif.
"Je gardais ma douleur et sans rien renier de mon identité, j'en avais peur. Malgré le temps, ce sentiment demeure encore aujourd'hui."
J'ai eu la chance de rencontrer madame Claudine Rams, la fille cadette de Jacqueline Lang, surnommée la Rose dans ce récit d'une importance capitale pour la compréhension intime des évènements survenus pendant la Seconde Guerre mondiale. J'ai ressenti son extrême émotion alors qu'elle me présentait cet ouvrage cher à son cœur, trésor familial inestimable.
Ce n'est pas un roman, non, voici le témoignage rédigé pendant plus de quarante ans avec courage, dans la joie ou l'extrême peine, l'attendrissement ou la sidération, ces sentiments étant aussi vifs qu'au moment où ils sont survenus, par une mère, une fille et petite fille, une sœur, une tante, en bref une Femme ordinaire et cependant héroïque, menacée de disparaître avec les siens sous le rouleau compresseur de l'Histoire.
C'est le destin d'une jeune juive, maman de deux petites filles, Arlette (la Bleue) et Claudine, épouse d'André arrêté un jour chez lui avec son père par deux miliciens français ; elle fera tout ce qui est humainement possible pour sauver ces deux hommes puis sa vie et celle de ses enfants.
Un texte d'une précision et d'une authenticité édifiantes où la narratrice avec élégance, peur quelques fois de heurter ou choquer, marquée d'une éducation stricte où la pudeur est omniprésente, raconte cependant avec une bravoure remarquable l'indicible, l'insupportable, l'inenvisageable.
Après ces quelques jours où l'écho des bottes a à nouveau résonner aux termes des élections européennes et législatives, alors que la peste brune se renforce dans toute l'Europe, que certains défenseurs de la mémoire des victimes de la shoah se sont soudain ralliés au RN, nous laissant stupéfaits et démunis, un tel ouvrage est essentiel afin de ranimer la mémoire bien défaillante de certains et enseigner la vérité aux nouvelles générations.
J'ai été obligée de faire des poses lors de cette lecture tant j'étais bouleversée ou en colère, tétanisée ou admirative par ce journal aux accents de thriller ou de course poursuite. Nos battements de cœur s'accélèrent alors que le danger se rapproche et que les aiguilles du temps s'affolent.
Totalement identifiée à cette mère courage, je me suis sentie profondément concernée par ce récit qui, si nous ne restons pas vigilants, pourrait être un avertissement.
Jacqueline Lang écrit ne pas comprendre comment ils ont pu être de tels moutons. Et comment pouvons-nous l'être encore aujourd'hui ? Quand comprendrons-nous ?
1940 :
"Après plusieurs promulgations d'ordonnances, le statut des Juifs se dégrade. Suppression des fonctions électives, des fonctions publiques, des professions libérales, création de plusieurs commissariats aux questions juives. "
Juin 1941 :
"un statut très sévère qui élimine les Juifs de l'enseignement supérieur, des professions libérales et commerciales.
Et toujours ceux qui nous gouvernent, ivres de pouvoir, appliquent des mesures discriminatoires visant à diviser pour mieux régner en dictateur, et toujours une grande partie de la population obéit, accepte l'inacceptable, des lois scélérates. Heureusement, des justes se battent dans l'ombre.
J'ai été également très intéressée par la description des conditions d'enfermement d'André à Drancy et du rôle infâme que les nazis tentaient de lui faire jouer. Quel homme ! Ce texte est d'autant plus inoubliable que des photographies y sont adjointes. Très vite, nous imaginons qu'elles se mettent en mouvement, en couleur, nous entendons les voix qui éternellement résonneront dans nos cœurs.
Merci infiniment à Claudine Rams, à l'éditrice et évidemment, plus que tout, à Jacqueline Lang. Vous avez rempli votre mission, madame.
