
Éva a lu pour vous ..
Chroniques littéraires
Cadix, ou la diagonale du fou
Arturo Pérez-Reverte
Seuil
29 septembre 2011
768 pages traduites par François Maspero
Historique
Chronique
29 janvier 2022

Titre original El asedio.Formidable roman, mi fresque historique, mi thriller policier, qui tout en étant admirable de précision, formidablement écrit et traduit, m'a cependant un peu perdue à un moment. J'ai failli arrêter car je l'ai trouvé très, très long dans certains passages. En effet, l'auteur, dont j'aime infiniment l'œuvre et l'engagement, court trois lièvres en même temps : l'enquête sur les meurtres monstrueux de jeunes filles, la description du siège de Cadix par les Français, et l'art de la guerre sous Napoléon, en particulier les avancées technologiques édifiantes réalisées dans ce contexte.
Les conditions de résistance des habitants de cette cité bombardée sans cesse sont incroyables, leur aptitude de résilience et d'adaptation extraordinaire. Que ce soit sur terre ou sur mer où pirates et corsaires de tous bois s'attaquent, se volent allègrement les cargaisons, se tuent si besoin, l'ambiance est délétère, dangereuse, explosive. Ajoutez-y des espions, une romance, un psychopathe tapi dans l'ombre, voici un roman foisonnant, dense, aux visages multiples.
Le tout prend vie sous nos yeux, tous nos sens sont de la fête, la reconstitution historique est bluffante comme toujours. Les protagonistes bien choisis nous font évoluer dans toutes les strates de la société et sur la ligne de front française. On ressent le grotesque total de ces guerres, l'absurdité du désir de cet empereur de conquérir le monde. Après Cadix, ce sera la Russie et hop, les voilà tous répartis pour un tour, à se massacrer pour rien. Cadix, ici présentée comme un échiquier sur lequel le tueur avance ses pions, fut déjà au centre de son roman le Hussard ( Seuil 2005).
« J'ai pris cela comme un défi. Mais une histoire m'apparaît d'abord comme un problème narratif à résoudre. Je tiens à être efficace. J'ai envie qu'on sente le vent sur la mer, que l'on partage les atermoiements du policier, que l'on éprouve la solitude de la femme célibataire. C'est du travail. Je ne me sens pas "artiste". Je suis un lecteur qui écrit des romans. »
Effectivement, vous entendrez les voiles claquer, la brise du large sur votre visage, l'odeur iodée de l'océan. C'est magique. On retrouve les ambiances créées par Dumas, Dickens, Hugo et autre Stendhal. Quelques fois, on a la sensation réelle d'être projetés dans un de ces tableaux gigantesques du Louvre, nous présentant les grandes campagnes napoléoniennes.
« Le grand-père de ma grand-mère avait été grenadier à Waterloo. Quand j'étais petit, on me racontait la bataille, comment il courait, les Prussiens à ses trousses. »
Tous les passages ayant trait aux modifications techniques apportées aux bombes m'ont semblé en revanche très longs et trop nombreux. Ils apportent certes des éléments essentiels au départ, indispensables puisque liés aux crimes eux-mêmes, mais à force de détails, de précisions sans fin, le suspense et la tension retombent peu à peu. C'est le seul bémol que je puisse formuler. Du coup, lorsque le tueur est échec et mat, cela passe presque inaperçu.... ce n'est que mon avis.
