Éva a lu pour vous ..
Chroniques littéraires
Azucena ou Les fourmis zinzines
Pinar Selek
Editions des Femmes Antoinette Fouque
7 avril 2022
224 pages
Roman
Chronique
8 avril 2022
Un très beau roman entre conte onirique contemporain, magique, porteur de joie, d'humanité profonde, et profession de foi politique sans être dogmatique, abordant nombre de sujets d'actualité avec beaucoup de grâce. C'est un texte qui enchante, dont la musicalité est particulière, qui réussit à rallumer la flamme de l'espérance. Lutter contre les inégalités, contre la toute puissance de l'industrie agroalimentaire, contre l'exclusion des plus pauvres, des réfugiés, essayer d'endiguer le rouleau compresseur néo-libéral et mondialiste pour revenir à une société à dimension humaine où chacun puisse trouver sa place, respirer, voilà les objectifs de Azucena et ses amis. Rêve d'un monde où être ultra sensible, zinzin, est une qualité, où l'on sait que les fêlés sont ceux par qui la lumière, et donc la vérité, rayonne.
Maltraitance des humains par les humains mais aussi des animaux dits de compagnie. Une société qui maltraite les animaux est une société en décadence. Ne dit-on pas que l'on peut diagnostiquer un sociopathe dès les premiers crimes et tortures commis sur des bêtes ?Notre société est malade de déshumanisation, de mise en concurrence permanente, d'isolement, d'absence de vraie communication, de contrôle, de flicage.
Ce roman est un hymne à la solidarité, à la camaraderie, à l'amour sous toutes les formes. Il encourage à multiplier les actions minimes à notre échelle dans notre quartier, afin de faire jaillir au final, augmenté de tous les ruisseaux ainsi créés, un grand fleuve puissant qui nous emporte tous vers un océan de tous les possibles. L'autrice situe son texte en 20.. et effectivement cela fait bien depuis vingt ans que l'on dresse des murs devant nos regards pour empêcher nos rêves, que l'on traite de fous les visionnaires ou les inadaptés à une société de plus en plus totalitaire, que l'on nous oppose avec paternalisme le mot "impossible" à tous projets mis en place pour le bien commun.
La question fondamentale que pose ce roman poétique et pertinent est celle-ci :Que pouvons-nous faire à notre échelle pour changer ce monde et offrir aux enfants un avenir ?Ce récit nous pousse également avec douceur et bienveillance à poser un regard éclairé et généreux sur tous ceux qui sont marginalisés, tous ceux qui ne rentrent pas dans les cases, qui peut-être, sont en réalité déjà inscrits dans le futur alors que nous continuons à obéir à des règles obsolètes et injustes.Résister à ce qui nous est imposé est un devoir, une responsabilité que nous ne pouvons pas éluder.
Une vérité dure à supporter qui nous est présentée, malgré l'urgence, avec une infinie délicatesse, une poésie consolatrice et vivifiante.
Et puis, à ajouter à cette très belle galerie de personnages tous plus bouleversants les uns que les autres, un dernier
acteur : la ville de Nice, terre d'exil et de rencontre des peuples. Le syndicat d'initiative de cette cité devrait proposer ce roman à tous les visiteurs de passage. Quel bel hommage !