
Éva a lu pour vous ..
Chroniques littéraires
Aujourd'hui Journal au bord
Sapho
Bruno Doucey L'Autre Langue
7 mars 2019
128 pages
Poésie
Chronique
23 juillet 2023

« J'ai voulu emprisonner aujourd'hui dans mon poème
il m'a fait
sa prisonnière »
Extrait :
ils n'éteindront pas la lune des champs
ils n'éteindront pas le soleil
ils n'arrêteront pas le souffle du vent
ni sa tempête aléatoire
ni son grondement aux allures de colère
ils n'empêcheront pas le cygne d'être éblouissant
ils ne pourront pas masquer la musique du rossignol
ils ne pourront rien contre elle
la beauté
et contre
la vie des mots
qui la parlent
ils ne savent pas qui ils sont
ils ne savent pas comme on parle ....
24 heures de la vie d'une Femme, d'une Citoyenne du monde engagée, d'une Artiste aux dimensions infinies, aux rêves immenses, en osmose avec l'humanité, en empathie avec celle-ci, une vigie émotionnelle qui pressent et sait les malheurs, les douleurs, les bonheurs indicibles, une Chanteuse, une Écrivaine, une Poétesse qui sait enfler sa voix pour clamer les vérités, qui peut s'exprimer pour tous ceux qui en sont incapables, être leur Ambassadrice.
24 heures d'une âme en suspend entre deux univers, le matériel et l'imaginaire, en ce lieu d'une beauté extraordinaire et suffocante qu'est la Villa Medici. L'esprit virevolte, tel un papillon d'une idée à une autre, d'un souvenir à un autre, d'un souffle à un autre, entre lesquels se glisse une apnée, un espace temps non quantifiable.
Conscience extrême que sa réalité, son aujourd'hui n'est pas celui des autres, que d'ailleurs les limites d'aujourd'hui sont floues.
La multiplicité des battements des cœurs en ce monde au bord d'un gouffre est infinie. Des battements se calant sur les secondes qui s'écoulent inexorablement vers l'heure du chaos...
Lettres blanches sur fond noir :
Même en sommeil, l'esprit n'est pas en repos, les morts se réincarnent, les mémoires se raniment... Quand dort-on, quand rêve-t-on ?
Tant de souffrances déjà, tant de révoltes contre toutes ces guerres, contre ces morts inutiles infligées à des peuples pris en otages par des individus assoiffés de pouvoir, toujours plus de pouvoir, dans une course grotesque, sans fin, criminelle...
Réveil, retour dans une certaine quotidienneté, matérialité, regards amusés, acérés, jamais en repos sur le paysage, sur les êtres, les choses.
« je tisse le temps
de ce jour
à mots sans fil
ce temps perdu »
Les secondes qui s'égrènent sont chargées de la Vie alors que d'autres se donnent la mort, que les disparus reviennent à l'esprit. La nécessité d'exister, de créer, de diffuser la beauté consolatrice, fondamentale, arme de destruction massive contre le Mal, devient urgence...
Et puis l'inacceptable, l'impensable barbarie frappe encore ; la déflagration des attentats du 13 novembre 2015 au Bataclan fige ce temps, cet aujourd'hui, bloque notre souffle, nous tétanise. La 25ème heure de ce journal au bord remet les compteurs à zéro.....
Et puis.... Et puis se remettre en mouvement en pensée, en acte, agir, combattre, opposer toujours et encore la Beauté à la sauvagerie.
L'Art est le cordon ombilical qui relie l'Homme à Dieu, ou à toute puissance supérieure quelque soit le nom qu'on lui donne. L'Art est ce qui relie les êtres les uns aux autres, qui leur donne leur humanité.
Merci aux Éditions Bruno Doucey pour la qualité de la mise en page et le soin apporté au moindre détail.
Profonde gratitude chère Sapho pour ces pages d'éternité et de vérité.
Mot de l'éditeur : Aujourd’hui débute de façon contemplative. Sapho est à Rome, en résidence à la Villa Médicis. Elle découvre la ville derrière « les pins parasols à coiffure romantique ». Mais tandis que « filent les nuages couleur de vent », le monde bruisse à sa porte. « Mon aujourd’hui n’est pas ton aujourd’hui », écrit-elle. Et l’on comprend que les « dizaines de milliers de secondes » qui s’égrènent génèrent autant d’aujourd’hui qu’il y a d’êtres humains occupés à vivre en même temps. La quiétude des lieux est alors troublée par le bruit de fond de la télé et le télescopage des pensées, avant que l’évocation des attentats perpétrés à Paris le vendredi 13 novembre ne fasse exploser le présent dans un fracas. Devant son clavier, Sapho tente de figer les 24 heures d’une vie en prise avec le temps. Un texte électrique, halluciné, qui secoue la langue de sa torpeur