Éva a lu pour vous ..
Chroniques littéraires
Augustin
Alexandre Duyck
Mon Poche
11 novembre 2021
224 pages
Historique
Chronique
19 novembre 2021
Alexandre Duyck rend sa voix, ses pensées à un homme resté ombre, mort stupidement, pour obéir à un ordre inique, transmettre un message au contenu trivial et sans importance, dans le dernier quart d'heure avant l'armistice. En fait, depuis plusieurs heures déjà la paix était signée mais Foch a décidé que le cessez-le-feu serait effectif le 11 novembre à 11 heures. "Foch aime l'ordre, les symboles, ou la numérologie". Foch est l'assassin de Augustin Trébuchet, son complice est le capitaine Ariégeois le forçant à porter ce message le menant droit à la mort, au lieu d'attendre quinze petite minutes.
L'obscénité ira s'inscrire jusque sur sa tombe où l'on falsifiera la date de décès l'avançant au 10 novembre, car on ne peut mourir le jour de l'armistice.
Tout ce roman biographique crie, hurle : OUI, on peut être mort pour rien ce foutu 11 novembre, on n'a pas le droit de mentir sur la vie et la fin de ce français, ce berger de quarante ans qui ne savait ni lire ni écrire, qui ne savait pas parler aux filles, qui pouvait lire dans le ciel, les étoiles, écouter et voir la nature, qui portait en lui une science ancestrale, lui descendu de ses montagnes alors qu'il n'était pas obligé de le faire pour s'engager, normalement exempté puisque aîné d'une famille nombreuse. Déjà il n'a fait qu'un an de service militaire et tous se sont moqués de lui. Alors non, cette fois il veut se distinguer, revenir au pays victorieux, médaillé, de toute façon elle sera courte cette guerre et puis ainsi il verra du pays. Ce sera une bonne expérience avant d'entreprendre le grand voyage vers l'Argentine, ses belles femmes, son soleil, ses trésors.
Il faut juste qu'il tienne encore, qu'il supporte l'indicible, qu'il se blinde, devienne indifférent, jusqu'à enfin être libéré et pouvoir vivre pleinement une existence qui jusque là fut difficile, âpre, injuste....
Il laissera le sang, la merde, la pourriture, les rats, les cadavres, le charnier derrière lui. Il faut juste qu'il porte ce foutu dernier message, qu'il court vite, qu'il vole.... Mais....
Un roman en hommage à cet être modeste et courageux, à cet homme plein d'avenir encore et de rêves, assassiné plus sûrement par sa hiérarchie que par la balle allemande qui le toucha. Un texte à la beauté crépusculaire comme un cri contre tous ces dirigeants, ces gouvernements qui nous voient comme des statistiques, des chiffres, des fourmis, de la chair à canon... Un réquisitoire puissant et passionné contre la guerre et la barbarie, contre le sacrifice de populations sur l'autel du pouvoir et de l'enrichissement de quelques uns.
Magnifiquement tragique, d'une terrible beauté intemporelle.