Au rendez-vous des pas pareils
Jean-Pierre Ancèle
Phébus
Roman
Chronique
20 août 2022
"Il y avait autrefois près d'ici un petit café à l'enseigne du Signal d'Arrêt. J'ai dû passer devant des dizaines de fois, je n'y suis jamais entré."
Et bien maintenant poussons-en la porte : peut-être le tintement joyeux d'une clochette nous accueille, et regardons, écoutons, replongeons-nous dans un hier pas si lointain où un estaminet était comme une île au milieu d'un quartier, lieu de tous les rassemblements, de tous les partages, les murs imprégnés de l'odeur de cigarettes, de vapeur d'alcool, du parfum réconfortant de café ou de belles comme perdues dans un univers singulier, où chacun déverse pudiquement ou avec emphase et gouaille ses peines et ses malheurs. Une atmosphère, des voix qui émergent d'un brouillard, un sentiment de reviens-y et de "tu as d'beaux yeux, tu sais". Truculence, humour, inventivité de la formule, tendresse, désespoir en filigrane, envie de se réchauffer à la peau des autres dont on ne connait que les surnoms, et l'obsédante prescience d'une catastrophe imminente.... Alors profitons de ces derniers instants de nostalgie poétique redonnant la parole aux modestes, aux invisibles, aux disparus.
Un très beau texte bouleversant qui égratigne le cœur.
Quatrième de couverture
Les habitués du bistro Le Cran d'Arrêt, brochette de personnalités toutes aussi touchantes et attachantes les unes que les autres, trouvent refuge dans ce rade déshérité, en marge de la grande ville. Les pluies diluviennes, la gadoue, l'absurdité de leur condition, tout concoure à leur exclusion. Mais demeure le plus important : l'humanité en partage. Leur rendez-vous quotidien en est la célébration. Réunis autour de Comdinitch, le raconteur d'histoires insensées, ils rient, pleurent, s'entraident. Une comédie douce-amère portée par un style oral autant virtuose que tendre. On respire une ambiance aux influences diverses : Jean-Pierre Jeunet, Simenon, Céline, Beckett, Lemaitre... Un premier roman teinté de noir qui rend hommage à la langue française et célèbre l'altérité et la différence.
Il était une fois un petit café-restaurant, entre ville et campagne, refuge d'une poignée de drôles d'oiseaux que le monde moderne n'avait pas encore engloutis. « On boit un coup, on mange un morceau, on écoute des histoires. Toutes activités qui s'accommodent mal du va-vite. Chacun offre son grain de temps au sablier commun, et ça donne qu'on n'est pas obligé de se hâter pour faire les choses ou pour les dire. » Madoval, le patron, Mésange, sa fille, Comdinitch, Failagueule et les accoudés du zinc – braves de comptoir... « Pas des gueules de progrès », ces gens-là, mais de l'amitié, des rires, de l'humanité en partage et un certain talent pour cultiver la différence. Jean-Pierre Ancèle signe un premier roman tendre et perlé comme une gorgée de muscadet, aux accents de Raymond Queneau ou de Marcel Aymé.