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Éva a lu pour vous ..

Chroniques littéraires

Afropea: Utopie post-occidentale et post-raciste

Léonora Miano

Grasset

Septembre 2020

224 pages

Essai

Chronique

29 juillet 2021

Je suis française née dans le 93, je me sens profondément et je me présente en tant que française d'outre-mer et plus précisément d'Abidjan où je suis restée jusqu'à mes sept- huit ans. Je n'ai aucun souvenir de mes parents, de mes années avant la Côte d'Ivoire. Mon seul référent de l'époque est Souleymane qui s'est occupé de moi tout en travaillant pour ma famille. Exilée de force en France, c'est ainsi que je l'ai vécu, j'ai découvert que j'étais une fille et que cela m'empêchait de faire tout ce que je faisais avant, et que j'étais blanche...


J'ai cinq cousins et cousines nés de ma tante paternelle et d'un médecin ivoirien. Que vois-je en eux et en leurs enfants quand j'en rencontre un ou lorsque je vois soudain une photographie de l'un d'entre eux ? Ma famille, mon sang.


C'est pourquoi ce livre de Léonora Miano m'a immédiatement interpellée lors du débat suivant l'émission consacrée à la colonisation française, documentaire exceptionnel en deux parties. Le calme, l'intelligence, le regard acéré, la voix chaude et vibrante de conviction, la pertinence du propos et ce mot AFROPEA répété par l'auteure, m'ont persuadée qu'il me fallait ce texte.


La France pour moi est une terre de rencontre, de mélange des histoires, des origines, des peaux. Elle n'est pas blanche elle est multicolore et forte de cette richesse incroyable née d'une histoire tragique liée à l'esclavage, puis à la colonisation, mais aussi à des exils imposés ou voulus par l'émigrant venant ajouter son expérience à celle des autres citoyens.

La France n'est pas hexagonale, elle s'étend bien plus loin dans les îles, en Guyane.... Elle existe aussi dans tous les pays où la culture française, les mots Liberté Égalité Fraternité, résonnent comme autant de tambours d'espoirs, claquent comme autant de drapeaux de Paix. Pays des DROITS de L'HOMME !!! Ce n'est pas rien. ÉGALITÉ DES CHANCES ET DES DROITS.

Nous sommes à une croisée des chemins où les mondialistes cherchent à garder leur mainmise sur notre planète, à faire perdurer un système politique et économique en bout de course, dangereux, à préserver une version de l'Histoire tronquée de tout ce qui n'est pas occidental et souvent blanc.


L'Histoire de France est aussi celle des habitants de tous les territoires d'outre-mer, de Guyane, de la Réunion, de Tahiti, des Antilles... ; elle est aussi celle de tous les émigrants d'hier et d'aujourd'hui venus en France pour survivre, travailler, faire des enfants qui sont français.


Enseigner aujourd'hui l'Histoire de nos ancêtres les Gaulois est ridicule, inexact, mensonger. Notre France a aussi un passé africain, vietnamien, cambodgien, polonais, italien, algérien, etc.......

Pourquoi imposer à des enfants de France une histoire parcellaire qui ne donne pas l'idée exacte de la grandeur de notre multiculture ?


Léonora Miano se concentre ici sur les afropéens, en particulier ceux de France, nés ici, dont les parents viennent des pays subsahariens. L'autrice rappelle qu'elle est camerounaise, qu'elle a demandé la nationalité française pour sa fille qui elle est afropéenne, pour que chaque passage de douane ne soit plus une épreuve.

Elle met l'accent sur les différences notables de conception des choses entre afropéens vivant en France, subissant tous les jours le racisme, dans un pays où les relents de colonialisme sont toujours fortement perceptibles, et les subsahariens qui représentent la majorité visible dans leurs pays respectifs. Ainsi l'exemple des marionnettes noires aux défilés de Dunkerque est extrêmement mal vécu par les afropéens alors que les subsahariens y voient un hommage à leur culture.


Elle souligne également la distance énorme entre un afro-américain, un subsaharien, un afropéen. Le vécu et l'histoire sont différents ; le regard qu'ils portent chacun sur le monde et l'idée qu'ils ont d'eux-mêmes dans la société, sur cette terre, sont variés, parfois opposés, mais peuvent et doivent trouver un terrain d'entente.


Nous tous devons trouver le moyen d'être ensemble, un pays, une nation d'une extrême richesse, honnête quant au passé, désireux de reconnaître les erreurs, les crimes anciens, monstrueux commis contre l'humanité, afin qu'enfin, sans tomber dans la culpabilité ou la victimisation tétanisantes, nous puissions avancer et écrire notre histoire future.

Pour les pays subsahariens également il est urgent de repenser l'avenir, de s'éloigner de l'Europe, de l'Occident, de former enfin une Union Africaine forte de toutes les cultures, richesses du continent.


Pour clore ce retour, j'ai souligné un passage que je trouve superbe :

L'identité afropéenne est frontalière, si l'on entend ce terme dans son acception subsaharienne ancienne qui fait de la frontière le lieu de la rencontre, de l'échange, plus que celui de la séparation. L'altérité existe, mais elle se présente aussi comme une opportunité. Le conflit, lorsqu'il affleure, trouve sa résolution dans la nécessité d'épargner à chacun l'humiliation."


Un essai magnifiquement rédigé, qui nous oblige tous à nous interroger sur nos comportements, nos réactions, notre positionnement dans ce monde, et qui représente aussi un très beau message d'amour et d'espoir d'une mère à sa fille.

Quatrième de couverture

Léonora Miano n’est pas une Afropéenne (afro-européenne). Ceux qui se définissent ainsi ont grandi en Europe.
Marquée par l’Afrique subsaharienne, la sensibilité de l’auteur se distingue de celle des Afropéens. Ceux-ci se sont construits en situation de minorité. Ce qui détermine la perception de soi, complique l’identification et la solidarité entre Afropéens et Subsahariens.
La France identifie à l’Afrique tous ses citoyens d’ascendance subsaharienne, privilégiant les natifs de ce continent. Cela ne favorise pas l’ancrage des Afropéens dans leur pays, leur capacité à se sentir responsables de son destin.
Pourtant, ceux qui se sont donné un nom – Afropéens – dans lequel Afrique et Europe fusionnent, s’ils sont fidèles aux implications de cette association plus qu’à leur amertume, peuvent incarner un projet de société fraternel, anti-impérialiste et anti-raciste. Dans une France en proie aux crispations identitaires, la perspective afropéenne apparaît encore comme une utopie. De part et d’autre, la tentation du rejet est puissante.

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